mardi 26 août 2025

Mémoire de la St-Barthélémy 1572


D'après l'historien Jérémie Foa

Diffusé le mardi 26 août à 21h10 sur France 2 :

première partie
deuxième partie

Le titre du film, très juste, ouvrira sur la tentation de certains de renvoyer dos-à-dos les bourreaux et les victimes, croyants les uns comme les autres. Tentation qui fait bon marché de ce que le fanatisme totalitaire, débuté en effet en Occident moderne avec le catholicisme de l'Inquisition, a connu des concurrents athées au XXe siècle (nazisme, marxismes, etc.), qui ont battu tous les records antécédents, et de loin, en nombre de massacres — athées aujourd'hui concurrencés à leur tour par l'islam partout où il est au pouvoir : Iran, Afghanistan, etc., et partout où il essaie d'y être, universellement : projets salafistes et fréristes d'al Qaïda, Daesh, Boko Haram, Hamas, etc., etc. (sans oublier ceux qui les soutiennent), qui eux justifieraient bien le titre du film, légèrement repensé par ceux qui n'oublient pas le passage athée du XXe : tuer au nom d'une idéologie, i.e. (c'est rendu clairement visible par le totalitarisme islamique) : au nom d'une idole, fût-elle idole unique.

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Sur la St-Barthélémy 1572 proprement dite, n’oublions pas la thèse essentielle de Jean-Louis Bourgeon, appuyée sur des lettres et témoignages qui montrent que la royauté n'aurait pas exécuté les chefs protestants, mais s’est vantée a posteriori d’un contrôle qu’elle n’avait pas réellement afin de garder la légitimité politique.
Jean-Louis Bourgeon s'appuie notamment sur la lettre de Louis de Gonzague, duc de Nevers, écrite à Catherine de Médicis le 20 août 1573, un an après la Saint-Barthélemy, pour montrer que la royauté a surtout cherché à “sauver la face” et à se présenter comme en contrôle, alors qu'en réalité elle était dépassée par les événements (cf. Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, tome 160, 2014, pp. 709-732).
Le duc de Nevers décrit la Saint-Barthélemy comme une “sédition”, une “rébellion” et une “émeute générale”, au lieu du fruit d’une décision de la famille royale. Selon cette source, la royauté fut une cible des violences et de la manipulation des grands seigneurs catholiques, et non le véritable instigateur du massacre.
Il extrait de la lettre la notion d’une “querelle du bien public couverte du manteau de Religion”, où la royauté doit se justifier face à une population qui la considère comme “faillible” ou “complice”.
Bref, la politique de communication royale aurait consisté à donner l’illusion d’une maîtrise, notamment en revendiquant l’exécution des chefs huguenots pour rassurer le public et éviter d’apparaître impuissant devant le peuple et les factions radicales.

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Retour à l'actualité… La haine fanatique vertueuse contre l'hérésie que souligne le film évoque redoutablement la haine antisémite vertueuse actuelle, fanatique de même, qui semble ne plus connaître de frein contre un terrible déchaînement…

Ci-dessous, comme arrière-plan : l'affaire Mortara… Voir le film de Marco Bellocchio sur l'histoire d'Edgardo Mortara. Dans le film, intitulé L'enlèvement, parmi les musiques qui l'accompagnent :

— la scène onirique de la décrucifixion d'un crucifix, musique d'après Arvo Pärt, Cantus in Memoriam Benjamin Britten :


— la scène de l'enlèvement nocturne d'Edgardo Mortara, musique d'après Sergei Rachmaninov, L'île des morts :


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