lundi 23 janvier 2023

Pouvoir, convictions, tentation

« Si une hérésie chrétienne, n’importe laquelle, l’avait emporté, elle ne se serait pas perdue dans les nuances. Plus téméraire que l’Église, elle aurait été aussi plus intolérante, car plus convaincue. Le doute n’est pas permis : victorieux, les Cathares eussent surpassé les Inquisiteurs. Ayons pour toute victime, si noble soit-elle, une pitié sans illusions. » (Emil Cioran, Le Mauvais Démiurge, Œuvres p. 1254)

« Victorieux » !…

Où se pose le problème du pouvoir (que n'ont pas eu, ni voulu, les cathares), pouvoir dont l'exercice est d'autant plus redoutable que ses tenants sont plus convaincus d'être dans le vrai

Une réussite des cathares eut été leur ruine sous cet angle, leur faisant fatalement courir le risque de se retrouver ayant « surpassé les Inquisiteurs ».

*

‭« Le diable, l’ayant élevé, lui montra [à Jésus] en un instant tous les royaumes de la terre,‭ ‭et lui dit : Je te donnerai toute cette puissance, et la gloire de ces royaumes ; car elle m’a été donnée, et je la donne à qui je veux.‭ ‭Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi.‭ » (Luc 4, 5-7)


Jésus a résisté, mais quid du reste des hommes ?… Y compris les plus apparemment purs

‭« Je fais peu de cas de quiconque se passe du Péché originel. » (Emil Cioran, Aveux et anathèmes, Œuvres‭ p.‭ 1646)


King Crimson, Epitaph

dimanche 15 janvier 2023

Kundera & Grünewald catharisants ?


« Si, récemment encore, dans les livres, le mot merde était remplacé par des pointillés, ce n’était pas pour des raisons morales. On ne va tout de même pas prétendre que la merde est immorale ! Le désaccord avec la merde est métaphysique. L’instant de la défécation est la preuve quotidienne du caractère inacceptable de la Création. Deux choses l’une : ou bien la merde est acceptable (alors ne vous enfermez pas à clé dans les waters !), ou bien la manière dont on nous a créés est inadmissible.
Il s’ensuit que l’accord catégorique avec l’être a pour idéal esthétique un monde où la merde est niée et où chacun se comporte comme si elle n’existait pas. Cet idéal esthétique s’appelle le kitsch.
C’est un mot allemand qui est apparu au milieu du XIXe siècle sentimental et qui s’est ensuite répandu dans toutes les langues. Mais l’utilisation fréquente qui en est faite a gommé sa valeur métaphysique originelle, à savoir : le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré : le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l’existence humaine a d’essentiellement inacceptable. »
(Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, folio p. 356-357)

Mais… "La Parole est devenue chair" (Jean 1, 14)

Grünewald encore…



L'inacceptable assumé…



King Crimson, Dangerous Curves | alb. The power to believe