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mercredi 6 août 2025

Il y a 80 ans...

Hiroshima était la cible prioritaire pour le bombardement. Le 6 août 1945, le temps était clair au-dessus de la ville. Le B-29 Enola Gay piloté par Paul Tibbets était parti à 2h45 de l'île de Tinian. L'avion transportait avec lui la bombe Little Boy. Celle-ci fut armée en vol par le capitaine de marine William Parsons après le décollage.

Le second lieutenant, Morris R. Jeppson, fut le dernier à toucher la bombe lorsqu'il plaça les fusibles d'armement. Peu avant 8h15, Enola Gay arriva au-dessus de la ville. L'ordre de bombarder fut donné par Tibbets, le major Thomas Ferebee s'exécuta en visant le pont Aioi en forme de « T », celui-ci constituant un point de repère idéal au centre de la ville. Peu après 8h15, la bombe Little Boy sortit de la soute à une altitude de 9 450 m. À 8h16m2s, après environ 43 secondes de chute libre, activée par les capteurs d'altitude et ses radars, elle explosa à 580 mètres à la verticale de l'hôpital Shima, en plein cœur de l'agglomération, à 170 m au sud-est du pont visé, libérant une énergie équivalente à environ 15 000 tonnes de TNT.




Une énorme bulle de gaz incandescent de plus de 400 mètres de diamètre se forma en quelques fractions de secondes, émettant un puissant rayonnement thermique. En dessous, la température des surfaces exposées à ce rayonnement s'est élevée un bref instant, très superficiellement, à peut-être 4000°C. Des incendies se déclenchèrent, même à plusieurs kilomètres. Les personnes exposées à ce flash furent brûlées. Celles protégées à l'intérieur ou par l’ombre des bâtiments furent ensevelies ou blessées par les projections de débris quand quelques secondes plus tard l'onde de choc arriva sur elles. Des vents de 300 à 800 km/h dévastèrent les rues et les habitations. Le long calvaire des survivants ne faisait que commencer alors que le champignon atomique, aspirant la poussière et les débris, débutait son ascension de plusieurs kilomètres.

Un énorme foyer généralisé se déclencha rapidement avec des pics de température en certains endroits. Si certaines zones furent épargnées lors de l'explosion, elles devaient par la suite affronter un déluge de feu causé par les mouvements intenses des masses d'air.

Enola Gay avait entre-temps effectué un virage serré à 155° vers le nord-ouest et rebroussait chemin. Les membres de l'équipage, protégés par des lunettes, purent assister à l'explosion. Bob Lewis, le copilote d'Enola Gay, s'écrie : « Mon Dieu, qu'avons-nous fait ? Même si je vis cent ans, je garderai à jamais ces quelques minutes à l'esprit. »

Quelques heures après l'explosion, le nuage atomique ayant atteint des zones plus froides et s'étant chargé d'humidité, la pluie se mit à tomber sur Hiroshima. C'était une pluie qui contenait des poussières radioactives et des cendres qui lui donnaient une teinte proche du noir. C'est pour cela que cette pluie a été désignée par le terme de « black rain » dans la littérature anglo-saxonne.

Ces poussières ont porté sur une zone de 30 x 15 km2 au nord-ouest du point d’explosion.




Le matin du 9 août 1945 à 3h49, le B-29 Bockscar partit de Tinian en direction du Japon. À son bord, la bombe Fat Man.

À 11 h 02, une percée dans les nuages sur Nagasaki permit au bombardier de Bockscar, le capitaine « Kermit » Beahan, de viser la zone prévue, une vallée avec des industries. Fat Man fut alors larguée et explosa à 469 mètres d'altitude…



Orchestral Manœuvres in the Dark - Enola Gay


« 6 août [1966]. J’ai fait un rêve interminable : il s’agissait d’une guerre atomique entre l’Amérique et la Chine. Jamais à l’état de veille je n’aurais pu concevoir vision pareille ni détails plus affreux, plus magnifiques : une splendeur d’enfer. Tout l’avenir se déroulait là, dans mon cerveau. Les anciens avaient raison d’accorder une valeur prophétique aux rêves : toutes nos peurs secrètes s’y projettent, toutes nos peurs clairvoyantes. » (Emil Cioran, Cahier de Talamanca, Mercure de France p. 19)

« Avec l’expression ‘holocauste nucléaire’ la société humaine tout entière a assumé l’idée de sa propre consommation sacrificielle. (Non pour obtenir quelque chose, mais pour expier tout.) » (Guido Ceronetti, Le silence du corps, trad. André Maugé, LdP p. 85)

« Après une demi-heure, tout ce qui se trouve au-dessous de nous sera devenu un unique Hiroshima, une terre qui ne conservera pas la moindre trace du fait que nous avons été là. Regarde en bas : cette planète sans hommes au-dessous de toi — n'est-elle pas peut-être déjà la terre après ce jour ? » (Günther Anders, Hiroshima est partout (Hiroshima ist überall), 1982)

Tragique intuition ? : « […] en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée. » (2 Pierre 3, 10)




Cf. "Journal de la bombe, une vie atomique" (France culture)

mercredi 9 avril 2025

Ceronetti sur Pie XII-Hitler


"Si l'on approfondit un peu le rapport Pie XII-Hitler on peut faire des découvertes intéressantes. Il y a là comme une symétrie et une complémentarité. L'appel général du pape au Bien et à la paix n'est que du vide exhibé et c'est de ce vide qu'a précisément besoin l'Hitléro-Satan pour étendre l'empire de ses drapeaux et opérer tranquillement au milieu des nations catholiques. Le giron du pastor angelicus accueille sans apparat nuptial, dans une ombre clandestine, feignant toujours l'insémination du Verbe d'en haut, le verbe inférieur auquel il rend le service inestimable du silence, tandis que sa bouche dénonce le Mal comme s'il était sine nomine et n'avait pas réellement ces sinistres enseignes. Il se greffe ici un drame formidable, propre aux clairs-obscurs historiques, qui complique tout le pape donne exclusivement au Mal le nom de matérialisme dialectique, et sans comprendre (ou sans vouloir comprendre) l'antireligion hitlérienne peinte en Providence dégouttante de sang, parce qu'il voit dans l'hitlérisme l'antithèse historique de la révolution bolchevique et de la venue du communisme il tend aussitôt à le favoriser comme un bon chien de garde à la puissante mâchoire, doté peut-être d'une paire d'ailes chérubiniques : il n'a pas la capacité, la force de voir la présence du Mal dans l'une et l'autre monstruosités qu'il est appelé à juger, ni de les désigner toutes deux d'un seul geste de ses deux longues mains : voici, messieurs, le Mal. C'est un aveuglement si grave qu'il mérite le nom d'impiété : dans de tels cas, l'homme médiocre placé dans un poste aussi élevé est le signe que Dieu veut nous détruire, et c'est justement que la réprobation corrode sa mémoire. Parce que le pape fait, dans son cœur, un triste, un horrible choix du coup tout son prestige de grand chef religieux est précipité dans l'entonnoir de mort planté dans le baril hitlérien, malgré ses fuites dans des réserves éperdues et des précautions verbales superflues. […] Ainsi son anathème (modeste, au fond, comme désormais tout ce qui vient du pape) est-il lancé sur une seule des deux faces monstrueuses, et sur celle où elle tombe avec le moins d'efficacité, tandis que l'autre en pleine fête, ivre de carnages, comme un Gilles de Rais à Machecoul éclabousse tout, sans bâillon, de sa salive infernale."
(Guido Ceronetti, Le silence du corps [1979], trad. André Maugé, LdP 1984 p. 188-189)


"Dis désormais que l'Église de Rome,
Pour avoir voulu fondre en soi les deux pouvoirs,
Dans la fange est tombée et souille elle et sa charge."
(Dante Alighieri, La divine comédie - "Purgatoire", Chant XVI, 127-129)

mardi 13 octobre 2015

Sur l'Ecclésiaste


"L'Ecclésiaste, l'épicurien saducéen, nous pouvons l'imaginer comme un Horace qui laisse grande ou­verte, dans chacune de ses cent maisons, la porte de l'infini : le voilà inconsolable parce que, par chaque ouverture, l'Infini fait irruption, se jette sur lui, lui mordant le foie plus cruellement qu'à un Prométhée."

Guido Ceronetti, Le silence du corps, éd. LdP, p. 216.

jeudi 17 octobre 2013

Jehoshaphat = YHWH juge


« Luther, Propos de table. Il condamne le suicide, absout le suicidé, victime de la puissance démoniaque, dans un certain sens assassiné. Josaphat : Dieu le jugera. "Cependant, on ne doit point enseigner ces choses au peuple, afin de ne pas donner à Satan l’occasion de faire des massacres." »

Guido Ceronetti, Le silence du corps, éd. LdP, p. 87-88.

lundi 14 octobre 2013

Égalisation & meuble animé


istillshootfilm: Film Photo By: Matt Toynbee.Pentacon Six TL, Kodak T-Max 100Proc […] Facebook

« Dans les églises on n'utilise plus la chaire, car le prêtre ne doit plus — c'est un égal — se tenir au-dessus de ses fidèles. Mais en descendant de la chaire le prêtre s'est élevé en stupidité, il n'est pas devenu l'égal des fidèles. Avant, il volait au-dessus de son troupeau, dans un vol de chauve-souris, s'élevait jusqu'à la coupole, descendait jusqu'à toucher les bancs, décrivait des cercles, en emplissait les chapelles et la nef, la chaire apotropaïque éloignait les misères, arrêtait les démons qui volaient vers elle, sortis de la massa luti, de ce "tas de boue" qu'était la foule agenouillée ou distraite. »

De même que « [...] Les rabbins, dans l'ombre du monde futur, regardent avec des yeux attristés la faillite de leurs certitudes morales, gémissent sur les lampes qu'on n'allume plus, dans la pièce où un meuble animé et parlant foule aux pieds le cadavre du sabbat. »

Guido Ceronetti, Le silence du corps, éd. LdP, p. 72-74.