samedi 26 novembre 2022

Tragique nature, naturelle violence


« Jeune encore, lorsque je commençais à m'intéresser à l'histoire naturelle, j'ai rencontré en Normandie un malheureux crapaud, dont le visage, la face était partiellement détruite par la croissance d'une larve de diptère. Certaines pondent dans les fosses nasale des crapauds ; la larve, en se développant, détruit une partie de la tête de ce malheureux animal. Songeons aussi aux parasites ! Les apologistes n'y pensaient pas. Ils ne savaient peut-être pas qu'il en existait. Or, les parasites composent un monde incroyable. Il s'en trouve partout. Il n'est pas une espèce animale qui ne connaisse ses parasites externes ou internes. Ces derniers peuvent causer des ravages physiques considérables, provoquant des souffrances qui ne le sont pas moins. Imaginer que tout provient de la volonté d'un Dieu miséricordieux, compatissant à l'égard de ses créatures, voilà qui paraît difficile à admettre, quand on contemple la vérité physique de l'affreux spectacle de la nature. Pour aborder de tels problèmes, peut-être faudrait-il posséder des connaissances, dont ne disposent pas la plupart d'entre nous. »
(Théodore Monod, Terre et Ciel, p. 238)

dimanche 20 novembre 2022

Fruits de la grâce...


« Pourquoi prêcher encore la Loi puisque l'homme [est] justifié par la foi et que son destin [est] scellé "de toute éternité" ?
« Les théologiens puritains […] loin d'encourager l'accumulation des richesses, ils en prônèrent le développement pour le bien de la société, et encouragèrent à la vie frugale. Ils s'efforcèrent en vérité contre le dogme de la prédestination, non à cause de ce dogme, de fonder une éthique de l'effort et de la rigueur » [… à l'encontre de la théorie de Max Weber]. (Liliane Crété, Les puritains, quel héritage aujourd'hui ?, Olivétan 2012, p. 54 et 57-58)

jeudi 17 novembre 2022

Il pleut, il fait soleil...



Le dicton "il pleut, il fait soleil, le diable bat sa femme et il marie sa fille", a pour fondement une tradition mythologique rapportée d’après un fragment de Plutarque qu’Eusèbe de Césarée nous a conservé dans sa Préparation évangélique (liv. III, ch. 1). Jupiter (grec Zeus) était brouillé avec Junon (gr. Héra) qui se tenait cachée sur le mont Cythéron. Errant dans le voisinage, le dieu rencontra le sculpteur Alalcomène qui lui dit que, pour la ramener, il fallait la tromper et feindre de se marier avec une autre. Jupiter trouva le conseil fort bon et voulut le mettre sur l’heure en pratique.

Aidé d’Alalcomène il coupa un grand chêne, forma du tronc de cet arbre la statue d’une belle femme, lui donna le nom de Dédala, et l’orna de la brillante parure de l’hyménée. Après cela, le chant nuptial fut entonné, et des joueurs de flûte, que fournit la Béotie, l’accompagnèrent du son de leurs instruments.

Junon instruite de ces préparatifs descendit à pas précipités du mont Cythéron, vint trouver Jupiter, se livra à des transports de jalousie et de colère, et fondit sur sa rivale pour la maltraiter ; mais ayant reconnu la supercherie, elle changea ses cris en éclats de rire, se réconcilia avec son époux, se mit joyeusement à la tête de la noce qu’elle voulut voir achever, et institua, en mémoire de l’événement, la fête des dédales ou des statues qu’on célébra depuis, tous les ans, en grande pompe, à Platée en Béotie.

La dispute de Jupiter et de Junon est, selon Plutarque / Eusèbe, une allégorie de la lutte du principe igné représenté par Zeus / Jupiter, et du principe humide représenté par Héra / Junon. Lorsque ces deux principes, ne se tempérant pas l’un par l’autre, ont rompu l’harmonie qui doit régner entre eux, il y a trouble et désordre dans les régions atmosphériques. La domination du premier produit une sécheresse brûlante, et celle du second amène des torrents de pluie.

Ce dernier accident survint sans doute dans la Béotie qui fut inondée, ainsi que l’indique le séjour de Junon sur le Cythéron ; et lorsque la terre dégagée des eaux eût reparu, on dit que la sérénité rendue à l’air par le calme était l’effet de la réconciliation des deux divinités, comme le mauvais temps avait été l’effet de leur division.

Après cette explication, il est presque superflu d’ajouter que Jupiter qui triomphe du courroux de Junon, ou, suivant l’expression de Plutarque, le principe igné qui se montre plus fort que le principe humide, est le diable qui bat sa femme, qui l’emporte sur sa femme, tandis que le même dieu qui fait la noce de la statue, dont il est l’auteur ou le père, est le diable qui marie (épouse) sa fille. On sait que Jupiter a reçu le nom de diable et de grand diable dans le langage des chrétiens.

Fille (comme cause de la brouille plutôt que remède à la brouille ?) : l'arbre d'Alalcomène, ou : Sémélé (gr. étymologie chtonienne), fille d'Harmonie, fille d'Arès (lat. Mars) et d'Aphrodite (lat. Venus), Aphrodite / Venus fille de Zeus selon Homère (mais fille d'Ouranos, donc tante de Zeus selon Hésiode) — Sémélé, donc, fille de Venus, et de Cadmos, roi-fondateur légendaire de la cité de Thèbes, est amante de Zeus / Jupiter. Héra / Junon, jalouse, emprunta les traits de Béroé, la nourrice de Sémélé, et conseilla à sa rivale de demander à Zeus de lui montrer son vrai visage. Épouvanté, mais n'osant refuser car il lui avait promis de lui accorder tout ce qu'elle désirerait, Zeus se présenta donc devant elle avec sa foudre et ses éclairs : celle-ci, ne supportant pas la vue des éclairs, brûla.

Sémélé ou, autre hypothèse, Latone (gr. Léto) — selon Plutarque / Eusèbe : "les partisans du sens figuré trouvent à celle-ci une explication moins obscène [qu'amante de Zeus] et plus conforme à la nature. Ils font de Junon et de Latone une seule et même chose : et voici de quelle manière. Junon est la terre comme nous l'avons déjà vu. Latone est la nuit parce que la nuit produit l'oubli (léthô) dans ceux qui se livrent au sommeil : or, la nuit n'est autre chose que l'ombre de la terre. Car lorsque la terre arrive vers le couchant, elle nous dérobe le soleil, et par l'interposition de sa masse elle produit l'obscurité. C'est elle aussi qui opère la décroissance de la pleine lune ; parce qu'à mesure que la lune tourne, l'ombre de la terre se projette sur sa lumière et finit par la faire disparaître entièrement." D'où possiblement ("moins obcène"), l'arbre d'Alalcomène, "fille" de Zeus…




dimanche 13 novembre 2022

Épidémie de mauvais genre


Voir aussi : "Dommages irréversibles"

samedi 5 novembre 2022

Ministère de victime consentante



« Si j’avais su au début, quand j’ai commencé d’écrire, ce que j’ai maintenant éprouvé et vu, à savoir à quel point les gens haïssent la Parole de Dieu et s’y opposent aussi violemment, je m’en serais tenu en vérité au silence (…) Mais Dieu m’a poussé de l’avant comme une mule à qui l’on aurait bandé les yeux pour qu’elle ne voie pas ceux qui accourent contre elle (…) C’est ainsi que j’ai été poussé en dépit de moi au ministère d’enseignement et de prédication ; mais si j’avais su ce que je sais maintenant, c’est à peine si dix chevaux auraient pu m’y pousser. C’est ainsi que se plaignent aussi Moïse et Jérémie d’avoir été trompés. » (Luther, Propos de table (cité par Volz dans son commentaire de Jérémie, p. 208, in Henry Mottu, Les "confessions" de Jérémie : une protestation contre la souffrance, Labor & Fides, 1985, p. 123)

« L'ambassadeur, dans l'administration des sacrements, comme dans ses autres offices, représente le Maître qui l'envoie. En parlant des pasteurs, Calvin écrit : “Et quand il a commandé à ses disciples de faire, en célébrant la cène, ce qu'il avait fait, il les a sans doute voulu instruire qu'à son exemple il y en eût un qui dispensat le sacrement aux autres (Mat. 28: 19; Luc. 22:19).” L'ambassadeur fait ce que son Maître avait fait. » (in Léopold Schümmer, Le ministère pastoral dans l'Institution chrétienne de Calvin à la lumière du troisième sacrement, Wiesbaden, 1965, p. 59)

Nous qui avons reçu l'ordination de reconnaissance de notre ministère, nous dont la vocation interne au ministère pastoral a été marquée comme vocation externe, nous avons été admis dans le triple ministère du Souverain Pasteur (1 P 5, 4) — royal (Lc 22, 25-26), prophétique (Jr 20, 7-8), sacerdotal (Hé 5, 8). Quant à la dimension royale, elle consiste en service (i.e. “ministère”) selon le Christ (“qu’il n’en soit pas parmi vous comme parmi les rois des nations”). Quant à la dimension prophétique, elle consiste à dire une parole qui peut déplaire, et nous rendre déplaisants (“tout le monde se moque de moi”, Jr 20, 7). Quant à la dimension sacerdotale, je ne me souviens pas qu'un pasteur ait jamais dit : "J'ai été ordonné victime", ou : "J'étudie pour être victime". Cela semblerait presque étranger au fait d'être pasteur. Les instituts de formation au ministère nous ont enseigné d'être de “bons” pasteurs ; mais on ne nous a pas dit d'être des victimes consentantes. Et pourtant, le Christ, le Souverain Pasteur, n'était-il pas une victime ? N'est-il pas venu pour mourir ? Il n'a offert ni agneau, ni taureau, ni colombes ; il n'a rien offert d'autre que lui-même… Célébrons-nous la sainte Cène, annonçant la mort Seigneur (1 Co 11, 26) pour le péché (2 Co 5, 21), comme si cela n'avait aucun lien avec nous ? Présentons-nous le Christ Sauveur en présence du Père comme si nous n'étions pas en train de mourir avec lui ? (Adapté de Fulton Sheen)