jeudi 21 mai 2020

"Tu étais en moi, je te cherchais dehors"

« C'est bien tard lorsque je t'ai aimée, beauté si ancienne et si neuve, c'était bien tard ! Tu étais en moi, mais moi j'étais dehors et c'est là que je te cherchais ! Tu étais avec moi, mais moi j'étais sans toi ! Tu m'as appelé et de ton cri tu as percé ma surdité. Tu as flamboyé et la splendeur de ton éclat a vaincu ma cécité. Tu m'as touché et je me suis enflammé pour la paix que tu donnes. Quand je me serai attaché à toi de tout mon être, il n'y aura plus pour moi ni douleur, ni peine et ma vie sera une vie toute pleine de toi. Ce n'est pas encore le cas et je me pèse à moi-même ! Seigneur, aie pitié de moi ! Je ne cache pas mes blessures. Tu es le médecin et c'est moi le malade. Qui désire les chagrins et les peines ? Tu commandes de les supporter, non de les aimer. Personne n'aime ce qu'il doit supporter. Et quand on se réjouirait de supporter, on préférerait n'avoir pas à supporter. Dans l'adversité je désire le bonheur, dans le bonheur j'ai peur de l'adversité. Y a-t-il un juste milieu où la vie de l'homme ne serait pas une tentation ?
Malheur aux succès d'ici bas : Ils redoutent l'adversité et leur joie s'évapore. Et surtout malheur aux adversités d'ici bas : Elles sont nostalgie du bonheur. Elles sont bien dures et lassent la patience. La vie de l'homme sur la terre n'est-elle qu'une tentation sans fin ? »
Augustin d'Hippone, Les Confessions, 10, 27

samedi 2 mai 2020

Oubli, mémoire & éternité


"Pour liquider les peuples, on commence par leur enlever la mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Et quelqu'un d'autre leur écrit d'autres livres, leur donne une autre culture et leur invente une autre Histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu'il est et ce qu'il était. Le monde autour de lui l'oublie encore plus vite."
(Milan Hübl, cité par Milan Kundera in Le livre du rire et de l'oubli, folio, p. 244)

"Chacun souffre à l'idée de disparaître, non entendu et non aperçu, dans un univers indifférent, et de ce fait il veut, pendant qu'il est encore temps, se changer lui-même en son propre univers de mots.
(Milan Kundera, Le Livre du rire et de l'oubli, folio, p. 167)

"Je sais que ma naissance est un hasard, un accident risible, et cependant, dès que je m’oublie, je me comporte comme si elle était un événement capital, indispensable à la marche et à l’équilibre du monde."
(Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, in Œuvres, Quarto Gallimard, p. 1273)

"Votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu." (Épître aux Colossiens, ch. 3, v. 3)