mercredi 10 avril 2024

Ré-existence des cathares ?

Image sur France Culture


France Culture, 8 avril 2024, Marguerite Catton interviewe l’historien Julien Théry, lui demandant d’entrée si les cathares ont existé. Elle a sans doute écouté l’émission diffusée quelque temps auparavant (21 septembre 2023), où, invité avec sa collègue Alessia Trivellone par Xavier Mauduit pour Le cours de l’Histoire, “Hérétiques, l'invention des cathares”, l’historien et sa collègue nous ont permis de savoir que ce mot n’aurait jamais été utilisé au Moyen Âge pour l'Occitanie.

Peut-être aussi l'intervieweuse a-t-elle consulté Wikipédia, article “Catharisme”, citant en note J. Théry à son appui : “Le nom de ‘cathares’ a été donné par les adversaires de ce mouvement et il faut noter qu'il est tout simplement absent des milliers de protocoles de l'Inquisition languedocienne, où il n'est mentionné par aucun inquisiteur, accusé ou témoin de la persécution, pas plus qu'il n'est présent chez quelque auteur médiéval ou dans quelque récit de la croisade albigeoise que ce soit.”

Passons sur l’incohérence de cette phrase… “Le nom ‘cathares’ a été donné par les adversaires de ce mouvement”… Mais il n’est pas mentionné, “pas […] présent chez quelque auteur médiéval”. Il faudrait savoir : donné par les adversaires du mouvement ou présent chez aucun auteur médiéval ?… On apprécierait une explication… peut-être de J. Théry, référé en note par Wikipédia pour appuyer cette proposition.

Mais revenons à France Culture. Réponse de J. Théry à Marguerite Catton : le mot “cathares” a bien été utilisé au Moyen Âge, dit-il ce 8 avril ! La surprise passée, je ne peux m’empêcher de penser à ce que son collègue de sa TV en ligne Le Média, Théophile Kouamouo, a appelé antan (2006), à propos d’un tout autre sujet, “révisionnisme évolutif”, qui consiste à finir par admettre l’inverse de ce que l’on a dit jusque là, en donnant l’impression que c’est déjà ce qu’on voulait dire quand on disait le contraire. Citons Th. Kouamouo, article “Révisionnisme évolutif” (Le Courrier d’Abidjan — n° 756, mercredi 5 Juillet 2006) : “[Après avoir donné une première version des faits,] on se rend vite compte qu’on n’a pas le monopole de l’information, qu’il y a des journaux [ou des historiens] […] qui répercutent les vérités qui nous dérangent […]. On réécrit donc l’Histoire falsifiée qu’on était en train de tenter d’imposer. Non pas en restituant ses droits à la vérité, mais en concédant ce qu’il est désormais impossible de ne pas admettre.” (Cf. infra, en note annexe, l'article complet de Th. Kouamouo *)

J. Théry nous assure que l’ “hérésie”, parfois nommée, donc, “cathare”, inexistante en soi, naîtra de sa persécution après son invention par la réforme grégorienne initiant un “cléricalisme” qui n'existait pas auparavant : en ce sens que l'Eglise catholique, jusque là, n’aurait pas requis que les sacrements fussent administrés par des clercs ordonnés ! (Sic !) Il faudra expliquer cela aux orthodoxes orientaux, qui seront sans doute ravis d’apprendre que leur pratique des sacrements et leur administration par des clercs ordonnés leur est venue de la réforme grégorienne occidentale ! De même que le pape François, cité par J. Théry, sera sans doute ravi d’apprendre que sa dénonciation du cléricalisme et de ses abus signifie une volonté de permettre aux laïcs d'administrer les sacrements de la même façon que les clercs ordonnés ! Et que dire des paroisses en souffrance de manque de prêtres pour célébrer l'eucharistie, d'apprendre que cela vient de la réforme grégorienne, et qu'ils vont bientôt pouvoir se passer de prêtres…

Passé la surprise, on se dit : il aura donc consulté des sources, ou… les travaux de Jean Duvernoy. Sur la réforme grégorienne et son lien avec l’hérésie, il n’est pas inutile en effet de réentendre Jean Duvernoy (Le catharisme. Vol. 2 : L’Histoire des cathares, Privat 1979, p. 79-80) :

"Du milieu du siècle à 1100, [le mouvement que les sources intitulent « manichéen », qui apparaît en Champagne, dans l'Aquitaine et à Toulouse, à Orléans, en Flandre, en Allemagne, en Italie,] disparaît de l'histoire, alors que triomphent la réforme grégorienne et les fondations d'ordres religieux nouveaux, consécutifs à une prédication populaire itinérante. C'est dans cet interrègne apparent de l'hérésie que Jean Gualbert, Bruno, Robert de Molesme, Etienne de Thiers, Girard de Salles, Vital de Mortain, Bernard de Turon, Robert d'Arbrissel, les moines d'Hirsau, Jean de Méda, soulèvent les foules avant de fonder Vallombreuse, la Chartreuse, Cîteaux, Grandmont, Savigny Fontevrault, les Humiliés, ou d'éphémères communautés de laïcs ; dans cette période aussi que l'anticléricalisme, ou du moins la censure ouverte du clergé contemporain, est la doctrine officielle de l'Eglise, et ceci à partir et sous l'impulsion de Pierre Damien ; dans cette période que la Pataria milanaise attaque avec de gros effectifs la hiérarchie conservatrice.
Pendant cette période, le mot d'hérésie est réservé, par le parti « grégorien », au clergé simoniaque et concubinaire ; par ce clergé aux partisans de la réforme
(1).
Le seul cas de répression, au cours de ce demi-siècle, est celui de Ramihrd, un prêtre brûlé par les gens de l'évêque de Cambrai en 1077 pour avoir refusé les sacrements des simoniaques (évêque compris). Grégoire VII lui donna raison et demanda à l'évêque de Paris d'excommunier la ville
(2).
On pourrait discuter longuement le point de savoir si, dans le tumulte de la querelle des investitures et de la réforme, les hérésies sont passées inaperçues, parce que leur prédication et leurs aspirations étaient en grande partie identiques à celles des réformateurs ; si au contraire elles n'ont plus trouvé d'adhérents, leur clientèle normale étant satisfaite par ailleurs, ou si enfin l'intense courant de foi active déclenché par la réforme a détourné en particulier vers la Croisade, la population de spéculations dogmatiques tendant à l'immobilisme ascétique
(3).
Le XIIe siècle est le siècle d'or des hérésies. Il y a à ce fait trois causes probables, qui agirent plus ou moins isolément.
Le mouvement ascétique et apostolique qui avait animé la réforme n'était pas éteint. Un Henri de Lausanne et même des personnages moins connus comme Eon de l'Etoile ou Pierre de Bruis furent des prédicateurs itinérants suivis de la foule. Henri bénéficia encore, parfois, de l'aval du haut-clergé, comme au Mans.
En s'affranchissant de la classe militaire par la suppression de la simonie et de la patrimonialité des prélatures, l'Eglise acquit une puissance temporelle considérable […]"
.

(1. Sur tous ces points, entre autres : H. Grundmann, Religiöse Bewegungen im Mittelalter, Hildesheim 1961 ; J. v. Walter, Die ersten Wanderprediger Frankreichs, Leipzig 1903 ; A. Fliche, Etudes de polémique religieuse à l'époque de Grégoire VII, Les prégrégoriens, Paris 1916 et travaux ultérieurs sur la réforme grégorienne ; A. Borst, Die Katharer, pp. 81 et ss., et en dernier lieu le chapitre Orthodox Reform and Heresy de M. Lambert, Medieval Heresy. Popular Movements from Bogomil to Hus, Londres 1977, pp. 39 et ss.
2. Chronique de Baudry, MGH SS. VII, p. 540 ; P. Fredericq, Corpus Inquisitionis hæreticæ pravitatis Neerlandicæ, Gand 1889, p. 11 ; trad. anglaise et discussion dans W.L Wakefield et A.P. Evans, Heresies of the high Middle Ages, New-York et Londres 1969, pp. 95-96.
3. Il va sans dire que le mouvement ascétique était loin d'être absent de la réforme grégorienne. Il est piquant de voir Grégoire VII imposer aux chanoines les trois carêmes de l'Eglise grecque… et des cathares (A. Fliche, op. cit. prox. supra, pp. 300-301). Fin de citation de Duvernoy.)

*

Certes, à l’instar de la réforme grégorienne, l’hérésie médiévale correspond à une réaction morale, comme le soulignait l’historien italien Raffaello Morghen écrivant judicieusement en 1951 dans son livre Medioevo cristiano, que le catharisme était largement une réaction morale contre la hiérarchie ecclésiastique d’alors (y compris pré-grégorienne).

Beaucoup mentionné, notamment par J. Théry, Morghen semble, hélas, peu lu (ou peu compris ?). Pour l’historien italien, en effet, dire que l'hérésie est une réaction morale ne la vide pas de son contenu doctrinal. Au colloque de Royaumont, en 1962, il précisait : « La prépondérance des motifs éthiques, au commencement de l'hérésie, sur les traditions doctrinales paraît ainsi largement confirmée par les sources du 11e siècle. C'est cela qui constitue spécialement un trait d'union entre les mouvements cathare et bogomile […]. Entre le bogomilisme et le catharisme, il y a des analogies évidentes, surtout en ce qui concerne la polémique contre la hiérarchie ecclésiastique, l'appel à la parole et à l'esprit de l'Evangile et le rigorisme moral. Plus tard, au 12e siècle, commencèrent des rapports attestés entre le monde hérétique de l'Orient balkanique et celui de l'Occident, dans lesquels on trouve des réminiscences d'anciennes traditions hétérodoxes, devenues désormais légende, mythe fabuleux, résidu psychologique. » (« Problèmes sur l'origine de l'hérésie au Moyen Âge », Hérésies et société, Actes du Colloque de Royaumont, 1962, p. 126-127.)

À bien le lire, Morghen ne cautionne pas les thèses récentes qui se réclament de lui, mais s’accorde sur le fond avec Duvernoy !…

Encore un effort, et la thèse universitaire des deux ou trois auteurs “majoritaires” à la soutenir, thèse dite “déconstructiviste”, finira par rejoindre, dans un processus évolutif non dit, celle des Duvernoy, Brenon, Roquebert…

*

* Note annexe

“Révisionnisme évolutif”, par Théophile Kouamouo, Le Courrier d’Abidjan — n° 756, mercredi 5 Juillet 2006 :

“Les historiens de la presse s’amuseront bien quand ils étudieront les journaux français de la période folle que nous vivons, autour du thème de la crise ivoirienne. Avec un peu de chance, ils développeront un concept : le « révisionnisme évolutif ». Au départ, on engage une action moralement scandaleuse — ici, il s’agit de l’organisation d’un coup d’Etat puis d’une rébellion armée en Côte d’Ivoire. Puis, on tente de travestir les faits de la manière la plus grossière possible. Mais on se rend vite compte qu’on n’a pas le monopole de l’information, qu’il y a des journaux sur les lieux des crimes qui répercutent les vérités qui nous dérangent, et qu’on a laissé des traces sur le lieu de notre forfait. On réécrit donc l’Histoire falsifiée qu’on était en train de tenter d’imposer. Non pas en restituant ses droits à la vérité, mais en concédant ce qu’il est désormais impossible de ne pas admettre. Sauf que la vérité, dans la crise ivoirienne, vient à compte-gouttes, progressivement, comme un puzzle dont le visage final sera la face la plus hideuse de la Chiraquie. Sauf que les nouvelles versions, quand elles s’empilent les unes sur les autres avec frénésie, finissent pas discréditer à jamais celui qui les diffuse.
On l’a vu avec l’affaire du massacre de l’Hôtel Ivoire, où Paris a dit tout et son contraire avant de se taire piteusement. Désormais, c’est le prétendu « bombardement » de la base française de Bouaké ** par les FDS dont l’Histoire est réécrite tous les jours, au fur et à mesure de l’instruction des plaintes des parents des victimes. Les journalistes qui se font un honorable devoir de toujours se porter au secours de leur armée et de leur gouvernement sur le théâtre des guerres coloniales, rappliquent pour expliquer au bon peuple l’histoire invraisemblable de Jacques Chirac, le président qui s’était précipité pour accuser son homologue ivoirien d’être à la base du bombardement de Bouaké, et qui paradoxalement aurait pris le risque d’une affaire d’Etat pour faire disparaître les preuves du forfait de son ennemi ivoirien. Parmi ces journalistes, Thomas Hofnung de
Libération qui a pondu un article rempli de contre-vérités « exclusives » pour faire semblant de dénoncer une prétendue complicité du gouvernement français avec Gbagbo au nom de la raison d’Etat, et mieux camoufler les mensonges et la mystification qui ont justifié l’entrée en guerre avec une ancienne colonie où de nombreux entrepreneurs français avaient des intérêts. Il est dommage que de nombreux journaux ivoiriens aient donné de l’ampleur à une mauvaise opération de propagande.”

** Pour le fin mot de l’affaire Bouaké, cf. le livre de l’avocat des familles des soldats français tués lors du bombardement de Bouaké : Me Jean Balan, Crimes sans châtiment, affaire Bouaké, Max Milo 2020 (préface du Gal Renaud de Malaussène, du commandement des forces française en Côte d’Ivoire au cours de l’année 2005).


RP, avril 24

À suivre ICI...


dimanche 31 mars 2024

Passé de la mort à la vie


‭Si vous êtes ressuscités avec Christ, cherchez les choses d’en haut, où le Christ siège à la droite de Dieu.‭
‭Affectionnez-vous aux choses d’en haut, et non à celles qui sont sur la terre.‭
‭Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu.‭
‭Quand Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire.‭
(Colossiens 3, 1-4)

“Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais, si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ.”
(Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne)

Qui écoute ma parole et croit en celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais est passé de la mort à la vie.
(Jean 5, 24)

mercredi 13 mars 2024

Pour comprendre — les origines de…

… ce dont tout le monde parle, le plus souvent sans en savoir grand-chose…




Résumé (4ème de couverture)

La genèse du conflit israélo-arabe, dont l’actualité est surabondamment couverte par les médias, demeure paradoxalement mal connue.

Si c’est au sortir de la Première Guerre mondiale que se cristallise ce qui n’est pas seulement le choc de deux nationalismes, mais un affrontement culturel recouvert par un conflit « religieux » et d’innombrables polémiques sur la nature du projet sioniste, c’est bien avant 1914 qu’il a pris forme dans le discours à la fois des élites arabes, de la vieille communauté juive séfarade et des sionistes d’Europe orientale.

Ces discours, dominés par la propagande, Georges Bensoussan montre qu’ils sont à mille lieues d’une véritable connaissance historique. Ce faisant, il met en lumière l’importance de la dimension culturelle et anthropologique dans la connaissance d’un conflit dont aucun des schémas explicatifs classiques – du nationalisme au colonialisme en passant par l’impérialisme – n’est véritablement parvenu à rendre compte.

Cf. ICI, interview de G. Bensoussan


Bruford Levin Upper Extremities - Original Sin (B.L.U.E. Nights, 1998)

vendredi 8 mars 2024

Et si l'idée n'était pas morte ?



"Il s'agit de s'inspirer de l'expérience de la coalition internationale contre Daech et voir quels aspects sont réplicables contre le Hamas. Nous sommes donc disponibles pour réfléchir, avec nos partenaires et Israël, aux pistes d'actions pertinentes contre le Hamas" (Prés. E. Macron, Jérusalem, 24 octobre 2023).

Seul moyen de ne pas laisser les victimes (Israël, les juifs, les otages du Hamas, le peuple palestinien captif du Hamas, les femmes), ne pas les laisser sombrer dans la défaite, après la défaite médiatique actuelle. Des signes ?… comme le port de secours proposé par les USA, approuvé par Israël (preuve supplémentaire qu'il n'a aucune visée génocidaire) ?

… puisque la menace islamiste, on le sait depuis le 11/09 — les femmes tout particulièrement le savent, depuis l'Iran, l'Afghanistan, Gaza… —, la menace est internationale !

Cf. ICI

RP, 8 mars 2024





jeudi 7 mars 2024

Face à la défaite médiatique



Aujourd’hui, à Gaza, le visage de l’autre sombre… La stratégie inhumaine du Hamas l’a emporté, a piégé Israël. Les terroristes ont bâti leur inaccessibilité de telle sorte que n’apparaissent plus que des civils mutilés par les bombes, affamés, vision d’horreur médiatiquement démultipliée. Israël doit se rendre au réel de la défaite médiatique, sauf à faire de la parole de Jankélévitch une atroce prophétie : « L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. » (Vladimir Jankélévitch, L’Imprescriptible, 1965)

Une guerre contre un fascisme extrême ne se gagne pas que militairement. Aujourd’hui, elle se perd militairement quand les armes n’ont plus que la puissance, en regard de la monstruosité de la souffrance subie par les civils otages et boucliers du Hamas, de transformer inéluctablement les vainqueurs en bourreaux, vus comme génocidaires intentionnels. Israël doit à présent se mettre face au réel et admettre sa défaite médiatique, car c’est une défaite… sachant que l’heure est venue pour lui de soigner, entrant dans une autre lutte, pour une autre victoire, celle de l’humain contre l’inhumain, celle d'une toute nouvelle reconnaissance de l'autre.

Le conflit mondial contre les nouveaux totalitarismes sera sans doute long. Il ne se gagnera pas par les moyens des terroristes. Mais par un refus radical de leur ressembler. L’heure est au retour sur soi, techouva, changement d'optique.



King Crimson - Requiem

Cf. ICI

RP, 7 mars 2024

jeudi 1 février 2024

Shoah





Contre la concurrence des mémoires. Le nazisme, un débouché :
« Chaque fois qu’il y a au Viêt-nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et […] au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et “interrogés”, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.
Et alors un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.
On s’étonne, on s’indigne. On dit : “Comme c’est curieux ! Mais, Bah ! C’est le nazisme, ça passera !” Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. » (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme)



Cf. aussi "Exploiter les masses, exploiter la race. Une histoire du capitalisme" (avec Sylvie Laurent)

*

Ci-dessous un commentaire de Jean-Paul Sanfourche, qui nous situe entre désespérer et prier. En écho, Cioran écrivant : « L’enfer c’est la prière inconcevable »…

Jean-Paul Sanfourche :
Abondance de documents et de références dans ce blog au chapitre « De plus » en date du 1er de ce mois. Matière à réfléchir. Peut-être à désespérer.
À prier aussi.

Lanzmann, Césaire, Sylvie Laurent.
Shoah, Colonialisme, Capitalisme racial.


Des violences de même nature, qui se nourrissent aux mêmes sources. Qui alimentent encore et toujours un fleuve dont rien ne semble vouloir arrêter le cours. Sous l’égide d’un universalisme né avec le colonialisme, l’agressivité impérialiste sévit sans relâche. Il faut effectivement relire Edgard Quinet, cité dans ce discours par Césaire, pour comprendre, à travers la chute de Rome, son effet destructeur. Celui que nous sommes en train de vivre, parfois dans une monstrueuse inconscience, une complicité aveugle. Dans cette irrésistible « dynamique », nos apathies, au mieux nos révoltes impuissantes, sont nos culpabilités.
A ces documents d’une irréprochable actualité, je me permets d’associer un extrait du journal de Imré Kertész (L’Observateur, p.180-181), afin de comprendre « de quoi il s’agit en réalité ».

Les petits totalitarismes (le nazisme, le communisme etc.) ne sont en fait que les reflets du grand totalitarisme de plus en plus dynamique qu’en général – en comparaison avec ces petits totalitarismes – on appelle liberté, liberté politique. Plus précisément : ces totalitarismes et fondamentalismes nationaux sont des tentatives d’abandon ou de rupture de la laisse que leur a passée au cou la dynamique qui dicte la démarche du monde – principalement l’économie et la finance américaines. Les idéologies qui sont les principes dominants de ces petits totalitarismes faussent cette réalité si parfaitement que les dirigeants politiques de ces totalitarismes eux-mêmes ne connaissent pas exactement le contenu réel de leur activité et de leur but (…) Au début du soviétisme transparaissait encore « quelque chose d’autre », une sorte de résignation concernant les bien matériels, l’idéal de la vie communautaire, mais cela n’a duré qu’un moment (…) l’essentiel est que le diable niche dans les choses – la grande dynamique, la défense contre la liberté qui écrase tout va encore souvent prendre la forme de différents fascismes et ce n’est pas tout : outre l’antiaméricanisme criard et viscéral, personne ne saura de quoi il s’agit en réalité. »

C’est certainement ce « quelque chose d’autre » qui fait écrire à Césaire en 1950, dans son discours publié par les éditions communistes Réclame :

« C’est une société nouvelle qu’il nous faut, avec l’aide de tous nos frères esclaves, créer, riche de toute la puissance productive moderne, chaude de toute la fraternité antique. Que cela soit possible, l’Union Soviétique nous en donne quelques exemples… » Union Soviétique qui participait (tout le monde l’ignorait alors) de ce « grand totalitarisme ». Césaire, dans l’exaltation stalinienne du « réalisme soviétique », ignorait lui aussi, qu’il espérait en un monde qui n’était qu’une nouvelle « machine à écraser, à broyer, à abrutir les peuples. » En 1953, de Moscou, Césaire loue « l’œuvre grandiose » de Staline. Il est bien évident qu’il ne pouvait jouer plus longtemps les « idiots utiles » du totalitarisme, ni s’en accommoder. Et sa lettre à Thorez, en 1956, date à laquelle il rompt avec le PCF, nous permet de mettre en perspective ce pamphlet, frappé au lyrisme enthousiaste des néophytes, sans rien lui ôter de sa force et de son actualité. Il écrit :
« La lutte des peuples coloniaux contre le colonialisme (…) est beaucoup plus complexe que la lutte de l’ouvrier contre le capitalisme français. »

Il faut aussi citer des écrits ultérieurs de Césaire, sans nullement vouloir atténuer son propos, mais pour mieux l’éclairer et ainsi éviter de fâcheux contre sens, qui seraient une injure à son égard :

« Je n’ai jamais accepté de considérer que tous nos malheurs venaient des autres. Bien sûr, c’est toujours la faute à quelqu’un : à l’Europe, à Napoléon, à qui l’on voudra… Oui, mais depuis, deux ou trois siècles se sont écoulés ! Et dans l’intervalle, de nombreuses nations ont réussi à s’en sortir. J’en suis donc persuadé : nous avons une part de responsabilité (…). Il faut que l’Afrique se fasse une raison et cherche des voies de son propre salut. » (Aimé Césaire, Revue Jeune Afrique, publié en 1966).

Césaire n’a jamais, comme on l’insinue parfois, désigné l’Occident comme l’unique coupable. Car il savait « de quoi il s’agit en réalité ». Il connaissait les « principes dominants ».

Prier ? Après Shoah, j’ai relu intensément la conférence de Hans Jonas (Le concept de Dieu après Auschwitz.) « Quel Dieu a pu laisser faire cela ? » Le Dieu de l’Histoire s’effacerait-il derrière ce Dieu souffrant, en devenir, en péril et soucieux ? Serait-il « en agonie jusqu’à la fin du monde » comme l’écrit Pascal, le janséniste ? Lui apportons-nous toute l’aide dont il aurait besoin, s’étant dépouillé de sa toute-puissance ?

Sentinelle, où en est la nuit ?

samedi 27 janvier 2024

Khaybar et le 27 janvier 7 octobre



En ce 27 janvier, commémoration de la Shoah et de la libération du camp d'Auschwitz, Israël est toujours menacé de génocide, quoiqu'il en soit des tentatives de renversement de la réalité.

Le fameux cri dans les manifestations pro-Palestine en Europe,
Khaybar Khaybar ya Yahud, jaysh Muhammad sawfa ya'ud (« Khaybar, Khaybar, ô Juifs, l'armée de Mahomet va revenir »), fait référence au passage ci-dessous de la Sira d’Ibn Hishâm (datant de deux siècles après les événements supposés — sans doute inventés). Khaybar est l'oasis où était la tribu juive des Banu Nadir (selon la Sira l'autre tribu juive massacrée outre celle des Banu Kurayza aux 900 égorgés par le prophète de l’islam). Le texte dit que Safiya est "prise pour épouse" par Muhammad le jour où sont assassinés son mari et son père (que serait-ce d'autre qu'un viol ?).
Chose sans rapport avec l’horreur du 7 octobre ? Les idiots utiles de l’Onu ne savent pas ? Non plus que les autres idiots utiles qui défilent avec des fanatiques qui hurlent cette référence comme menace actuelle !


Histoire de Çafiyya, mère des Croyants (Sîra, II, 636)

Les captives de Khaybar furent largement réparties entre les musulmans. Le Prophète eut en partage Çafiyya, fille de Huyayy ibn Akhtab (l'un des chefs des Banû Nadir exilés de Médine à Khaybar) et deux de ses cousines. Il garda pour lui Çafiyya et donna les deux cousines à l'un de ses compagnons de combat, Dihya ibn Khalifa, qui avait pourtant souhaité avoir Çafiyya. Bilâl, le muezzin, l'avait ramenée avec l'une de ses compagnes. Il passa avec les deux captives au milieu des cadavres des juifs tués au combat. À cette vue, la compagne de Çafiyya éclata en sanglots, se déchirant le visage et couvrant de terre ses cheveux. La voyant dans cet état, le Prophète dit : « Éloignez de moi cette furie satanique ! » Et il fit venir Çafiyya, la fit asseoir derrière lui et jeta sur elle son manteau : les musulmans comprirent que le Prophète se la réservait. Puis, il fit des reproches à Bilâl : « As-tu donc, Bilâl, totalement perdu tout sentiment de pitié au point de faire passer ces femmes devant les cadavres de leurs hommes ? » Çafiyya avait vu en songe, lorsqu'elle était mariée à Kinâna ibn Rabî', qu'une lune était tombée dans son sein. Elle avait raconté ce songe à son mari. « Cela ne veut dire qu'une chose, c'est que tu désires avoir Muhammad, le roi du Hijâz. » Et, furieux, il lui avait donné une gifle si forte qu'elle en eut l'œil poché. Elle en portait encore la marque lorsqu'on l'amena auprès du Prophète. Et c'est elle qui lui raconta ce songe et son histoire.
Çafiyya fut peignée, maquillée et préparée pour le Prophète par Umm Anas ibn Mâlik. Il passa sa première nuit avec elle sous une tente ronde.
Abû Ayyûb, un compagnon du Prophète, passa la nuit, le sabre à la taille, à monter la garde autour de la tente. Le lendemain matin, à son réveil, le Prophète le vit rôder autour de sa tente :
Que fais-tu ici ? lui demanda-t-il.
Envoyé de Dieu, cette femme a suscité en moi des craintes pour ta vie. Tu as déjà tué son père, son mari et sa famille. Sa conversion à l'islam est toute récente et cela m'a inquiété pour toi.
Seigneur Dieu, protège Abû Ayyûb, comme il a passé la nuit à me protéger.

Hudaybiyya ou la trêve…
Le trésor des Banû Nadîr
(Sira, II, 336-337)

On amena auprès du Prophète Kinâna ibn Rabî', le mari de Çafiyya, qui détenait le trésor des Banû Nadîr. Le Prophète lui demanda de révéler où était le trésor. Kinâna affirma n'en rien savoir. Un juif s'approcha et le dénonça au Prophète : J'ai vu Kinâna rôder tous les matins autour de cette maison en ruine.
Vois-tu, Kinâna, lui dit le Prophète, si nous trouvons le trésor chez toi, je te tuerai.
Tu me tueras, mais je n'en sais rien.
Puis le Prophète ordonna de creuser la terre dans la maison en ruine. On y trouva une partie du trésor. Où est le reste du trésor ? demanda le Prophète. Je ne sais pas, répondit Kinâna.
Le Prophète ordonna alors à Zubayr ibn al-'Awwâm de le torturer jusqu'à ce qu'il livre son secret. Zubayr lui brûlait sans cesse la poitrine avec la mèche d'un briquet, mais en vain. Voyant qu'il était à bout de souffle, le Prophète livra Kinâna à Muhammad ibn Maslama, qui lui trancha la tête.

(Ibn Hishâm, Sira, trad. Wahib Atallah, éd. Fayard p. 315-317)

jeudi 11 janvier 2024

7 octobre - l’horreur des viols


Article par Julia Christ :

« Que dire des crimes sexuels perpétrés par les hommes du Hamas le 7 octobre – documentés un peu plus chaque jour par le travail d’un groupe israélien de gynécologues, médecins légistes, psychologues et juristes du droit international ? Et comment comprendre l’occultation de la violence faite aux femmes ce jour-là par une partie de l’opinion mondiale – supposées "féministes" comprises ? Cette occultation ne revient-elle pas à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas et était dépourvu de signification ? »

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lundi 8 janvier 2024

Le 7 octobre et la théologie de la substitution



Le pogrom du 7 octobre n’est pas sans lien avec la théologie de la substitution en islam. Comme le christianisme a considéré unanimement jusqu'à il y a peu que l'Église aurait été substituée à Israël — c'est ce que l'on appelle à présent "théologie de la substitution" —, mutatis mutandis, l'islam a fait de même, considérant s'être substitué au judaïsme et au christianisme. Comme on apprend actuellement en christianisme à lire les Évangiles dans leur contexte juif (suite à Jules Isaac et à son Jésus et Israël) et non à partir du christianisme constitué par la suite, l'islam devra apprendre à lire le Coran dans son cadre historique initial (c'est la méthode proposée par Le Coran des historiens). Ainsi on doit pouvoir lire la guerrière (apparemment) Sourate 9 du Coran non à l’aune de textes tardifs comme la Sira d’Ibn Hichâm ou de hadiths guerriers et tardifs, mais en regard du contexte judéo-chrétien de l’islam en gestation…

Ibn Hichâm écrit : « […] le Prophète ordonna de tuer tous les hommes des Banu Quraydha [tribu juive], et même les jeunes […].
Le Prophète ordonna de faire descendre de leurs fortins les Banû Quraydha et de les enfermer dans la maison de Bint al-Hârith. Il alla ensuite sur la place du marché de Médine, la même que celle d'aujourd'hui (du temps d'Ibn Hichâm), et y fit creuser des fossés. Puis il fit venir les Banû Quraydha par petits groupes et leur coupa la gorge sur le bord des fossés. Parmi eux, il y avait Huyayy ibn Akhtab, l'ennemi de Dieu, et Ka'b ibn Asad, le chef des Quraydha. Ils étaient six cents à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. Pendant qu'ils étaient amenés sur la place par petits groupes, certains juifs demandèrent à Ka'b, le chef de leur clan : - Que va-t-on donc faire de nous ?
- Est-ce-que cette fois vous n'allez pas finir par comprendre ? Ne voyez-vous pas que le crieur qui fait l'appel ne bronche pas et que ceux qui sont partis ne reviennent pas ? C'est évidemment la tête tranchée ! Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu'à leur extermination totale. » (Ibn Hichâm, Sira, trad. Wahib Atallah, La biographie du Prophète Mahomet, éd. Fayard p. 277, chapitre « Le “jihad” contre les juifs… » — Sira, II, 240-241.)

Sourate 9, At-Tawba (trad. Blachère) : Quand les mois sacrés seront expirés, tuez les Infidèles quelque part que vous les trouviez ! Prenez-les ! Assiégez-les ! Dressez pour eux des embuscades ! […] (Cela sur le modèle de la razzia antéislamique. NB : les infidèles ici désignent probablement les “idolâtres” — cf., dans le discours islamiste, par ex. les Yézidis ; mais l’idée peut s’entendre aussi des juifs, chrétiens ou musulmans non islamistes, donc “apostats”.)

Proposition sans théologie de la substitution : les textes difficiles du Coran, comme cette Sourate 9, ne sont pas à lire en regard de la Sira, écrite au 8e ou 9e s., ou des hadiths qui l’inspirent — qui font du prophète de l’islam un massacreur, mais à lire en regard, par ex. d’un texte comme Matthieu 13, 24-43, la parabole de l’ivraie et son explication, où la séparation du bon grain et du mauvais est renvoyée au jugement final. De même, les “mois sacrés” de la Sourate 9 pourraient être à percevoir comme symbole eschatologique (en effet quand les “mois sacrés” expirent-ils puisque leur rythme est cyclique ?). Proposition en regard de Matthieu : et si leur “expiration” était la fin du temps de grâce, du temps de la patience en quelque sorte — symbolisé par les “mois sacrés” ? Si c’était alors seulement après le temps de ce monde qu’intervient le jugement, effectué par les anges ? — auxquels s’adresserait cette parole coranique, selon une clef donnée par ce grand connaisseur de l’islam qu’était Henry Corbin. Je le cite :

« […] il n'y a pas des Anges séparés de la matière et des âmes destinées par nature à animer un corps matériel organique. Les uns et les autres sont des substantiae separatae : il y a des Anges demeurés dans le plérôme, et il y a des Anges déchus sur la Terre, des Anges en acte et des Anges en puissance. Ou bien encore cette scission peut s'entendre d'un même être, un unus ambo : le pneuma, l'Esprit ou l'Angelos […] est la personne ou l'Ange demeuré dans le Ciel, le “jumeau céleste”, tandis que l'âme désigne son compagnon déchu sur Terre, auquel il vient en aide et qui lui sera réuni, s'il sort finalement triomphant de l'épreuve. […] Si l'âme a pour fonction étymologiquement d'animer, si elle est substance complète indépendamment du corps matériel organique qui la fixe provisoirement, c'est qu'elle a laissé dans le monde de lumière son “vrai corps”, le corps céleste d'une pure matière encore “immatérielle”, ou le vêtement de lumière qu'elle doit revêtir. » (Henry Corbin, Temps cyclique et gnose ismaélienne, éd. Berg, p. 116-117)

Cf. Matthieu 18,10 : “leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux”.

La parabole — Matthieu 13, 24-30 — et son explication — Mt 13, 36-40 :
24 Jésus leur proposa une autre parabole : “Il en va du Royaume des cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
25 Pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu ; par-dessus, il a semé de la mauvaise herbe en plein milieu du blé et il s’en est allé.
26 Quand l’herbe eut poussé et produit l’épi, alors apparut aussi la mauvaise herbe.
27 Les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de la mauvaise herbe ?
28 Il leur dit : C’est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui disent : Alors, veux-tu que nous allions la ramasser ? —
29 Non, dit-il, de peur qu’en ramassant la mauvaise herbe vous ne déraciniez le blé avec elle.
30 Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Ramassez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier. […]
36 Laissant les foules, il vint à la maison, et ses disciples s’approchèrent de lui et lui dirent : “Explique-nous la parabole de la mauvaise herbe dans le champ.”
37 Il leur répondit : “Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ;
38 le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume ; la mauvaise herbe, ce sont les sujets du Malin ;
39 l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.
40 De même que l’on ramasse la mauvaise herbe pour la brûler au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde […].


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Aune du jugement, la fidélité de Dieu à sa miséricorde — 2 Ti 2, 13 : « si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même ».

RP

mardi 2 janvier 2024

Alliance éternellement nouvelle


“En parlant d’une alliance nouvelle, il a rendu ancienne la première ; or ce qui devient ancien et qui vieillit est près de disparaître.” (Hébreux 8, 13)

Face à l'alliance éternellement nouvelle (scellée d'éternité dans les cœurs), la forme temporelle de l'alliance, avec ses rites, qu'ils soient juifs, chrétiens, etc, est renvoyée à sa temporalité, à sa réalité passagère. Or, pour l'épître aux Hébreux, la manifestation de l'alliance éternelle est advenue - en ces jours qui sont les derniers (cf. Hé 1, v. 2). Dès lors, le temps étant à son terme, tout ce qui se déploie dans le temps – y compris les rites (qu'ils soient juifs, chrétiens ou autres), qui ne sont que l'ombre du modèle céleste et éternel, est près de disparaître. Si le "pas encore" subsiste encore provisoirement, le déjà est tout proche, qui verra disparaître ce qui relève de ce temps.
L’Alliance nouvelle n'est pas le christianisme, et ne date pas du moment de l'épître, ni de celui de Jérémie (cf. Jr 33). Elle est la signification éternelle de tout rite (cf. la réalité ultime signifiée par "le modèle sur la montagne" du Sinaï – Exode 25, 40). Le christianisme a des rites terrestres, comme baptême, cène (etc.), qui signifient une réalité éternelle, comme les rites juifs. Les uns comme les autres sont terrestres et symboliques. Les rites chrétiens, exprimant la foi en Christ, reçus de la foi en Christ, sont consécutifs à cette foi en Christ (qui voit en lui l'officiant du tabernacle éternel). Cela n'est pas la foi des juifs, qui eux, reçoivent les rites de la Torah. La distinction que fait l’épître aux Hébreux, écrite avant l'instauration du christianisme et de son rituel (et donc la nouvelle alliance n'est pas le christianisme), n'est pas entre alliance juive et alliance chrétienne, mais entre alliance temporelle (sous forme juive ou chrétienne), dotée de rites symboliques, et alliance éternelle, sans rite terrestre aucun.

RP