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vendredi 27 juin 2025

Brève théologie du 7 octobre


Le 7 octobre 2023 a dévoilé, pour qui veut bien le voir, les risques induits par l’usage que font les islamistes de certains textes de la tradition musulmane (textes des hadiths et Sira — biographie du Prophète de l’islam — datant de deux siècles env. après l’Hégire). Deux exemples : le mariage qui aurait été celui de Mahomet et de Aïcha (outre son “mariage”, cf. infra, avec Çafiyya), les violences guerrières et antijuives attribuées par les mêmes textes au même Mahomet. (À quoi on pourrait ajouter, via ces textes de conquêtes et butins, avec femmes-butins, la légitimation du futur rôle historique des civilisations arabo-musulmanes dans le développement de l’esclavage des Africains comme butin, avec le racisme négrophobe qui l’accompagne. Ici civilisations et “universalismes” “occidentaux” et arabo-musulmans ont les uns comme autres à balayer devant leur porte ! Cf. le livre récent et complet de Catherine Coquery-Vidrovitch, Les routes de l’esclavage, Albin Michel 2018).

Le mariage Mahomet-Aïcha selon le Sahih de Bukhari (810-870) Volume 7, Livre 62, 88 : “‘Ursa a rapporté : ‘Le prophète écrivit le (contrat de mariage) avec ‘Aisha quand elle était âgée de six ans et consomma son mariage avec elle quand elle était âgée de neuf ans’”.
Ou encore : “‘Aïcha a rapporté (ibid. 64 et 65) ‘que le prophète l’a épousée quand elle avait six ans et qu’il consomma son mariage quand elle avait neuf ans […]’.” Cf. Sahih de Muslim (env. 821-875) Livre 8, 3310. Cf. Sira de Ibn Hisham (mort vers 834), etc.

Pour faire (trop) simple :
— l’islam sunnite considère que ce mariage et sa consommation ont vraiment eu lieu ;
— l’islamisme enseigne qu’il est légal de faire pareil ;
— d’autres musulman(e)s (ou réputés telles ou tels) pensent que cela relève de légendes traditionnelles, du genre de l'épopée, issues des milieux califaux, sans que ça n’ait de réalité historique (la tradition mystique, autre que celle écrite sous le contrôle des califes, tradition mystique initiée par Rabia al Adawiya, qui vivait avant la mise par écrit des textes califaux traditionnels peut aller jusqu’à permettre de mettre en doute que Mahomet ait été polygame, et qu’il ait été guerrier) ;
— et nombre de celles et ceux qui sont originaires de pays de tradition musulmane se moquent de savoir si cela a eu lieu ou pas et considèrent cela comme insupportablement archaïque.
Concernant les premiers, qui estiment que ce mariage et sa consommation ont bien eu lieu ou, comme les islamistes, qui pensent que cela vaut imitation, il y a bien lieu de craindre leurs croyances, de concevoir à l’égard de ces croyances là de l’ “islamophobie” (sans la confondre avec ni légitimer une “musulmanophobie”) !… Sachant que les racismes négrophobe et antisémite ne sont pas non plus étrangers à l’islam, l’antisémitisme inscrit (à l’instar de l’Antiquité et du Moyen Âge chrétiens) dans la tradition ; la négrophobie, elle, apparaissant dès le XIVe siècle, né de la pratique généralisée de l’esclavage et des déportations esclavagistes transsahariennes dès les premiers siècles de l’islam (cf. Tidiane N’Diaye, Le génocide voilé, Gallimard 2008).


7 octobre 2023

Le monstreux pogrom antisémite du 7 octobre 2023 produit dès le 8 octobre… une forte montée de la mise en cause… des juifs !!! et des actes de racisme antisémite dans le monde… (cf. Eva Illouz, Le 8-Octobre, généalogie d'une haine vertueuse, Tracts Gallimard n°60, 2024).

Antisémitisme — que l’on voit apparaître dans plusieurs textes guerriers de la tradition califale, hadiths et Sira, qui attribuent à Mahomet des violences inouïes, notamment contre les juifs. Ibn Hisham fait le récit suivant, dans la Sirat Rassoul Allah (La biographie du prophète Mahomet — trad. fr. Wahib Atallah, Fayard 2004, p. 277-278) : “Le Prophète recommanda à ses compagnons : Tout juif qui vous tombe sous la main, tuez-le. Le Prophète ordonna de faire descendre de leurs fortins les Banû Quraydha [tribu juive de Médine] et de les enfermer dans la maison de Bint al-Hârith. Il alla ensuite sur la place du marché de Médine et y fit creuser des fossés. Puis il fit venir les Banû Qurayza par petits groupes et leur coupa la gorge sur le bord des fossés. Ils étaient six à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu’à leur extermination totale. Le Prophète fit ensuite le partage des femmes, des enfants et des biens des Banû Qurayza entre les musulmans. Le Prophète envoya dans la région de Najd (en Arabie) une partie des captives juives des Qurayza en échange desquelles il acheta des chevaux et des armes. Parmi les captives des Banû Qurayzaa, le Prophète avait choisi pour lui-même (pour son plaisir) une femme appelée Rayhâna, qui resta chez lui, en sa possession, jusqu’à sa mort.”

Cela vaut aussi selon la même Sira concernant une autre tribu juive, demeurant à Khaybar. Le fameux cri dans les manifestations pro-Palestine en Europe, Khaybar Khaybar ya Yahud, jaysh Muhammad sawfa ya’ud (“Khaybar, Khaybar, ô Juifs, l’armée de Mahomet va revenir”), fait référence à un autre passage de la Sira d’Ibn Hishâm (datant donc de deux siècles après les événements supposés — sans doute inventés) : Khaybar est l’oasis où se trouvait la tribu juive des Banu Nadir. Le texte, parlant à nouveau d’un massacre de juifs attribué au prophète de l’islam, dit que Çafiyya est “prise pour épouse” (part du butin partagé) par Mahomet le jour où sont assassinés son mari et son père (Ibn Hishâm, Sira, trad. Wahib Atallah, éd. Fayard p. 315-317).

Qu’est-ce d’autre qu’un viol, que ce “mariage” consommé le jour-même de l’assassinat du mari, du père, des proches de la “mariée” ?… Chose sans rapport avec l’horreur du 7 octobre ? Mais, semble-t-il, ceux qui défilent avec des fanatiques qui hurlent cette référence comme menace actuelle ne savent pas !

Qu’est-ce d’autre qu’une légitimation du pogrom-razzia terroriste du 7 octobre ? Où le refus de le considérer, et y voir un acte de “résistance”, relève d’une affreuse imposture — confusion entre l’antisémitisme islamiste et les actes prévisibles exposés par Frantz Fanon dans son livre Les damnés de la terre, hélas préfacé par Sartre qui en gauchit le sens. Pour Fanon, les opprimés coloniaux en viendront éventuellement, voire inéluctablement, à la révolte violente. Sartre s’en réjouit ! Les “wokistes” américains et la “gauche radicale” française qui veulent voir dans la terreur islamiste de la résistance, voire des “féministes” qui n’y voient pas des viols, s’aveuglent sur l’imposture d’actes racistes antisémites, misogynes (contre des femmes juives, parce que juives, d’une violence inouïe), qui font de la cause palestinienne et de l’oppression un prétexte (les Yézidis massacrés par des islamistes, les Yézidies réduites en esclavage sexuels ont opprimé qui ? Sachant qu’on est devant les mêmes lectures des mêmes textes de la part de Daech et du Hamas, qui débordent largement l’OLP laïque). Le problème est qu’un discours ambiant veut faire confondre les deux ! Imposture terrible d’un propos qui vise à réinstaurer de façon démultipliée l’ancienne oppression coloniale qui fut celle des empires califaux, légitime le racisme antisémite (et demain négrophobe, et autres, comme haine des chrétiens, “croisés”, des athées, “apostats”, des homosexuels, systématiquement tués sous le régime du Hamas, etc.)…

Les textes cités ci-dessus sont pourtant clairs. Quatre attitudes à leur égard parmi les musulmans. Il y a ceux qui croient ces textes ; parmi lesquels ceux (islamistes) qui veulent les appliquer aujourd’hui et, quand ils le peuvent, le font ; il y a ceux qui y voient des créations apocryphes califales visant à justifier ces pratiques des pouvoirs ultérieurs mais qui n’étaient pas celles de Mahomet ; et ceux qui jugent que quoiqu’il en soit, on est dans un archaïsme insoutenable.

Les éructations des cris de "Khaybar" de ceux qui espèrent la promotion d’une compréhension islamiste du monde, devraient en principe être insupportables à la gauche radicale qui participe aux mêmes manifestations — en regard, entre autres, de l’antisémitisme indéniable de ces slogans et du refus obtus d’acquis féministes (jugés “immoraux” en regard de l’islamisme — cf. le statut des femmes dans les terres d’islam que sont l’Iran ou l’Afghanistan), voire pour les plus extrêmes une compréhension pour d’insupportables actes de violences, viols et meurtres (voire la pratique de menaces, via internet ou autres et le refus de condamner le terrorisme).

Qu’est-ce que cette “ultra-gauche” qui participe à ces manifestations parisiennes là ? Qu’est-ce que cette alliance avec des islamistes antisémites, esclavagistes et misogynes tout en étant proches des mouvements intersectionnels, forcément insupportables aux islamistes !? Ou sont-ils des indécrottables naïfs, qui ne voient pas la nature de l’islamisme ? Bref, des autruches, attitude d’autant plus troublante que l’on parle parfois d’universitaires, difficilement soupçonnables de ne pas savoir ce qu’est l’islamisme, ce que les islamistes ont à nouveau démontré le 7 octobre 2023 !

Le cœur de la difficulté est probablement dans les rapprochements antisionistes, puisque c’est sans doute essentiellement par ce biais-là que des militants de “gauche” et des islamistes se sont retrouvés dans les mêmes manifestations scandant des slogans explicitement antisémites (mais en général en arabe), via une défiance commune à l’égard de l’État d’Israël, de sa politique actuelle à un pôle, de son existence à un autre, avec tout un éventail entre les deux, allant jusqu’à l’antisémitisme, voire se fondant dans l’antisémitisme, quand est inscrite dans les textes fondateurs du Hamas ou de l’Iran des mollahs, la destruction pure et simple d’Israël.

Où il faut avoir la lucidité de pointer l’illégitimité de l’antisionisme, en tant qu’antécédemment aux dérives sur l’interprétation de ce terme, et à la politique de tel ou tel dirigeant de l’État d’Israël, il finit par viser tout simplement une revendication symbolique inhérente à la judéité : la (minuscule) terre constitutive de la judéité (et qui n’en est pas moins laïque). Je cite Pauline Bebe, rabbin : “Israël, le pays, la terre, est l’objet d’un attachement plusieurs fois millénaire des juifs. Non pas comme simple refuge pour les juifs après la seconde guerre mondiale, mais comme terre foulée par les pieds de nos ancêtres, décor de notre histoire, lieu de renaissance de l’hébreu, la langue du judaïsme, lieu de vie du judaïsme comme la diaspora, lieu de renouvellement d’interprétation et d’inspiration. Il ne s’agit pas de politique mais l’âme juive trouve des racines, un de ses foyers sur cette terre mentionnée quotidiennement dans nos prières” (“Les dix commandements de la lutte contre l’antisémitisme”, Revue de l’Amicale des pasteurs français à la retraite, 26 mars 2019).

Un petit peuple : 15 millions dans le monde, face à 2,5 milliards de chrétiens et 1,8 milliards de musulmans. 15 millions aujourd’hui. Chiffre à peine supérieur au nombre de juifs à l’époque, selon les historiens, de l’Empire romain. Pourquoi presque les mêmes chiffres ? À cause de la violence qu’ils ont subie tout au long de l’Histoire en Occident comme en Islam et ailleurs, à cause du racisme antisémite qu’ils continuent de subir sous le nom d’antisionisme (terme inventé par Staline pour n’être pas accusé d’antisémitisme). Or, qu’est-ce que le sionisme, en son sens premier (cf. Théodore Herzl) : la revendication d’un État souverain, libéré de la colonisation turque de l’époque, juifs à côté et avec les autres habitants de la province turque de Palestine, musulmans et chrétiens. La décolonisation a eu lieu en 1948, sous le mandat britannique. Une double décolonisation, refusée par les États arabes de la région : pas question pour eux de juifs souverains (effet de la théologie de la substitution dans le monde arabo-musulman : les “communautés” non-musulmanes doivent être “soumises”) ! D’accord pour les Arabes, mais pas pour les juifs, fussent-ils des juifs arabes ! (L’antisémitisme local précède 1948 : pogroms, alliance du mufti de Jérusalem avec Hitler, à l’instar des frères musulmans, mouvance du futur Hamas, alliée du nazisme dès les années 1920. Cf. Georges Bensoussan, Les Origines du conflit israélo-arabe (1870-1950), Que sais-je ?, 2023 ) Nostalgie d’un autre colonialisme, celui de la domination coloniale arabe puis turque. Désir de décolonisation vis-à-vis de la dernière forme locale, anglaise, mais refus de la décolonisation des juifs ! Pourquoi ?

Un héritage international, dont est empreint le secrétariat général actuel de l’Onu, qui a mis quatre mois à reconnaître que le pogrom du 7 octobre pose problème, ou que la capture d’otages est un problème en soi, fait du Hamas ; un secrétaire général de l’Onu qui pendant ce temps donnait des satisfecit aux talibans et minimisait la violence de l’Iran contre les femmes, pendant que les mollahs tiraient les ficelles de leurs “proxis” contre Israël (le peuple iranien ne s’y trompe pas, qui refuse de soutenir la politique “antisioniste” des mollahs).

Israël accusé de génocide ou d’apartheid par les dictatures de la planète, faisant d’Israël le bouc émissaire d’une mémoire sélective. “Apartheid” : comment citer tous les Arabes israéliens dans les instances les plus élevées d’Israël — depuis le directeur de la banque centrale, Arabe israélien, jusqu’aux élus arabes de la Knesset ? Quel régime d’apartheid pour faire cela ? Alors on invoque les mesures de contrôle, ou le mur qui a permis de limiter les attentats quotidiens des fanatiques qui se faisaient sauter dans des bus bondés. Et après l’horreur du 7 octobre, dès le 8 octobre on refuse à nouveau à Israël le droit de se défendre, le devoir de défendre sa population, et on parle, quand il tente de se débarrasser et de débarrasser le peuple palestinien de la menace terroriste oppressive qui se cache derrière ses civils, mués sans vergogne en boucliers humains, de “génocide” ! L’atroce souffrance des Gazaouis est due avant tout à ses oppresseurs du Hamas, que personne ou presque ne semble mettre en cause, alors qu’ils clament leur refus de protéger leurs civils, leur racisme antisémite stipulé dans leur charte, et leur volonté d’éliminer “les juifs” !

Où l’antisionisme apparaît comme ce qu’il est. “L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort.” (Vladimir Jankélévitch, L’Imprescriptible, 1965)

RP

mardi 15 octobre 2024

Bouc émissaire dévoilé



"Là s'assembleront les aigles" (Mt 24, 28)


Permanent signe des temps, démultiplié et devenu pluriel, l'idée de bouc émissaire a traversé l’histoire que l’on va visiter. Cette idée évoque un rite décrit dans le livre biblique du Lévitique (ch. 16, v. 20-22) : le grand desservant du Tabernacle, puis du Temple, par une imposition des mains symbolique, fait reposer sur un bouc (l’animal) tous les péchés du peuple. Chassé dans le désert, le bouc les y emporte. Le rite permet en principe d’éviter au peuple de persécuter un individu ou un groupe minoritaire en faisant reposer sur lui sa culpabilité. Le phénomène a été mis en lumière par René Girard, écrivant qu’à défaut de la compréhension du rite, les sociétés font communément reposer leur culpabilité sur une minorité, le plus souvent les juifs (notons cependant que Guillaume Erner — cf. son livre Judéobsessions, éd. Flammarion 2025 — considère que la théorie du bouc émissaire est insuffisante pour expliquer la spécificité de l'antisémitisme)… Le premier pogrom antijuif signalé par les historiens a eu lieu dans l’Égypte païenne du 1er siècle, le dernier à ce jour a eu lieu le 7 octobre 2023. À y être attentif, le 7 octobre et ses suites en Occident comme dans le monde arabo-musulman, marquent un apogée de l'antisionisme, qui le fait apparaître comme révélant l’essence de l’antisémitisme : à savoir le judaïsme comme bouc émissaire de la culpabilité des sociétés religieuses (Chrétienté comme Islam) ou laïques : la civilisation moderne et contemporaine — puisque l’on va parler de la Chrétienté et de son effondrement.

Moment significatif de la Chrétienté occidentale : la canonisation d’un roi, Louis IX, mieux connu comme Saint Louis ; canonisé pour sa fidélité à la papauté et à la théologie de la croix qui apparaît alors ; et parce que comme roi, il combat les “ennemis de la croix” : les musulmans, en participant à la huitième croisade, les hérétiques en achevant la croisade contre les cathares en Albigeois, les juifs en limitant leur impact par l’imposition de la rouelle jaune, reprise au monde musulman selon les décisions du pape Innocent III et du IVe concile du Latran, cela accompagné du brûlement de Talmuds à Paris en place de Grève. Dès son vivant il est populaire. La théologie de la croix le conduit à l'achat très onéreux de reliques comme celle de “la vraie croix”, ou de la couronne d'épines, pour Notre Dame et la sainte Chapelle. La croix sauve, mais culpabilise aussi : on a tué le Fils de Dieu. Aussi les départs en Croisade contre les “ennemis de la croix” se sont accompagnés de pogroms contre les juifs, réputés “déicides”, “ennemis du crucifié” par excellence… On se décharge sur eux de la culpabilité…

La Chrétienté s'effondrera, remplacée par la civilisation moderne. Le phénomène va-t-il cesser ? Pas du tout : la civilisation moderne, libérale, est largement redevable à l’usage de la Bible hébraïque par ceux, protestants, qui la mettent en place. Or, le libéralisme politique est accompagné par le libéralisme économique, avec ses effets pervers en matière d'écarts de richesse. Bible hébraïque ? Juifs donc, qui deviendront les boucs émissaires recevant la culpabilité des effets pervers du libéralisme économique. Par la gauche, avec les philosophes des Lumières, de Voltaire à l’hégélianisme et au marxisme, en passant par Proudhon, qui dénonceront le refus des juifs de s’assimiler et leur “cosmopolitisme”. Par la droite, nostalgique de l'Ancien Régime, qui leur reproche et leur rôle dans l’avènement de la civilisation libérale, et leur rôle dans la critique socialiste des effets pervers du capitalisme. On reconnait les années 1930, avec le nazisme qui reproche aux juifs un “cosmopolitisme” à la fois capitaliste et bolchevique.

La gauche n’est toujours pas en reste : un des effets pervers les plus évidents du capitalisme est le colonialisme qu’elle a promu !, suscitant donc un sentiment de culpabilité, qu’elle fera reposer, bouc émissaire, sur les juifs, devenus, en Israël, le type de l’homme colonialiste. Où l’antisionisme révèle bien cette essence de l’antisémitisme, où la gauche occidentale rejoint l’Islam politique pour lequel, comme pour la Chrétienté (mais sans théologie de la croix, évidemment), les juifs — et les autres minorités “du Livre” (cf. Les Arméniens chrétiens et leur génocide par les Turcs) —, sont “protégés” de façon arbitraire comme dhimmis, “protection” qui les laisse en proie à la menace de violences chaque fois qu’il faut se purger de ses propres échecs et de la culpabilité de ces échecs.

La culpabilité d’un monde issu de la Chrétienté (des USA à la Russie incluse) où l’on se renvoie la faute coloniale les uns aux autres, porte désormais contre les juifs et rejoint dans l’antisionisme par lequel il se déploie l’antisémitisme arabo-musulman, appuyé sur des textes tardifs, comme la Sira d'Ibn Hisham reprenant certains hadiths. Conjonction des culpabilités qui se rejoignent dans l’antisionisme continuant à faire des juifs les boucs émissaires de ces culpabilités.

(Signes des temps et civilisation moderne, introduction à L’État, le judaïsme et la Chrétienté, conférence donnée par R. Poupin pour l'AJC d'Arcachon le 15.10.2024. Voir ici le texte en entier.)

RP


samedi 27 janvier 2024

Khaybar et le 27 janvier 7 octobre



En ce 27 janvier, commémoration de la Shoah et de la libération du camp d'Auschwitz, Israël est toujours menacé de génocide, quoiqu'il en soit des tentatives de renversement de la réalité.

Le fameux cri dans les manifestations pro-Palestine en Europe,
Khaybar Khaybar ya Yahud, jaysh Muhammad sawfa ya'ud (« Khaybar, Khaybar, ô Juifs, l'armée de Mahomet va revenir »), fait référence au passage ci-dessous de la Sira d’Ibn Hishâm (datant de deux siècles après les événements supposés — sans doute inventés). Khaybar est l'oasis où était la tribu juive des Banu Nadir (selon la Sira l'autre tribu juive massacrée outre celle des Banu Kurayza aux 900 égorgés par le prophète de l’islam). Le texte dit que Safiya est "prise pour épouse" par Muhammad le jour où sont assassinés son mari et son père (que serait-ce d'autre qu'un viol ?).
Chose sans rapport avec l’horreur du 7 octobre ? Les idiots utiles de l’Onu ne savent pas ? Non plus que les autres idiots utiles qui défilent avec des fanatiques qui hurlent cette référence comme menace actuelle !


Histoire de Çafiyya, mère des Croyants (Sîra, II, 636)

Les captives de Khaybar furent largement réparties entre les musulmans. Le Prophète eut en partage Çafiyya, fille de Huyayy ibn Akhtab (l'un des chefs des Banû Nadir exilés de Médine à Khaybar) et deux de ses cousines. Il garda pour lui Çafiyya et donna les deux cousines à l'un de ses compagnons de combat, Dihya ibn Khalifa, qui avait pourtant souhaité avoir Çafiyya. Bilâl, le muezzin, l'avait ramenée avec l'une de ses compagnes. Il passa avec les deux captives au milieu des cadavres des juifs tués au combat. À cette vue, la compagne de Çafiyya éclata en sanglots, se déchirant le visage et couvrant de terre ses cheveux. La voyant dans cet état, le Prophète dit : « Éloignez de moi cette furie satanique ! » Et il fit venir Çafiyya, la fit asseoir derrière lui et jeta sur elle son manteau : les musulmans comprirent que le Prophète se la réservait. Puis, il fit des reproches à Bilâl : « As-tu donc, Bilâl, totalement perdu tout sentiment de pitié au point de faire passer ces femmes devant les cadavres de leurs hommes ? » Çafiyya avait vu en songe, lorsqu'elle était mariée à Kinâna ibn Rabî', qu'une lune était tombée dans son sein. Elle avait raconté ce songe à son mari. « Cela ne veut dire qu'une chose, c'est que tu désires avoir Muhammad, le roi du Hijâz. » Et, furieux, il lui avait donné une gifle si forte qu'elle en eut l'œil poché. Elle en portait encore la marque lorsqu'on l'amena auprès du Prophète. Et c'est elle qui lui raconta ce songe et son histoire.
Çafiyya fut peignée, maquillée et préparée pour le Prophète par Umm Anas ibn Mâlik. Il passa sa première nuit avec elle sous une tente ronde.
Abû Ayyûb, un compagnon du Prophète, passa la nuit, le sabre à la taille, à monter la garde autour de la tente. Le lendemain matin, à son réveil, le Prophète le vit rôder autour de sa tente :
Que fais-tu ici ? lui demanda-t-il.
Envoyé de Dieu, cette femme a suscité en moi des craintes pour ta vie. Tu as déjà tué son père, son mari et sa famille. Sa conversion à l'islam est toute récente et cela m'a inquiété pour toi.
Seigneur Dieu, protège Abû Ayyûb, comme il a passé la nuit à me protéger.

Auparavant, concernant le mari de Çafiyya : Hudaybiyya ou la trêve…
Le trésor des Banû Nadîr
(Sira, II, 336-337)

On amena auprès du Prophète Kinâna ibn Rabî', le mari de Çafiyya, qui détenait le trésor des Banû Nadîr. Le Prophète lui demanda de révéler où était le trésor. Kinâna affirma n'en rien savoir. Un juif s'approcha et le dénonça au Prophète : J'ai vu Kinâna rôder tous les matins autour de cette maison en ruine.
Vois-tu, Kinâna, lui dit le Prophète, si nous trouvons le trésor chez toi, je te tuerai.
Tu me tueras, mais je n'en sais rien.
Puis le Prophète ordonna de creuser la terre dans la maison en ruine. On y trouva une partie du trésor. Où est le reste du trésor ? demanda le Prophète. Je ne sais pas, répondit Kinâna.
Le Prophète ordonna alors à Zubayr ibn al-'Awwâm de le torturer jusqu'à ce qu'il livre son secret. Zubayr lui brûlait sans cesse la poitrine avec la mèche d'un briquet, mais en vain. Voyant qu'il était à bout de souffle, le Prophète livra Kinâna à Muhammad ibn Maslama, qui lui trancha la tête.

(Ibn Hishâm, Sira, trad. Wahib Atallah, éd. Fayard p. 315-317)

lundi 8 janvier 2024

Le 7 octobre et la théologie de la substitution



Le pogrom du 7 octobre n’est pas sans lien avec la théologie de la substitution en islam. Comme le christianisme a considéré unanimement jusqu'à il y a peu que l'Église aurait été substituée à Israël — c'est ce que l'on appelle à présent "théologie de la substitution" —, mutatis mutandis, l'islam a fait de même, considérant s'être substitué au judaïsme et au christianisme (ce qui fonde le statut de dhimmi et implique l'impossibilité, entre autres, d'un État juif souverain sur une terre revendiquée "musulmane"). Comme on apprend actuellement en christianisme à lire les Évangiles dans leur contexte juif (suite à Jules Isaac et à son Jésus et Israël) et non à partir du christianisme constitué par la suite, l'islam devra apprendre à lire le Coran dans son cadre historique initial (c'est la méthode proposée par Le Coran des historiens). Ainsi on doit pouvoir lire la guerrière (apparemment) Sourate 9 du Coran non à l’aune de textes tardifs comme la Sira d’Ibn Hichâm ou de hadiths guerriers et tardifs, mais en regard du contexte judéo-chrétien de l’islam en gestation…

Ibn Hichâm écrit : « […] le Prophète ordonna de tuer tous les hommes des Banu Quraydha [tribu juive], et même les jeunes […].
Le Prophète ordonna de faire descendre de leurs fortins les Banû Quraydha et de les enfermer dans la maison de Bint al-Hârith. Il alla ensuite sur la place du marché de Médine, la même que celle d'aujourd'hui (du temps d'Ibn Hichâm), et y fit creuser des fossés. Puis il fit venir les Banû Quraydha par petits groupes et leur coupa la gorge sur le bord des fossés. Parmi eux, il y avait Huyayy ibn Akhtab, l'ennemi de Dieu, et Ka'b ibn Asad, le chef des Quraydha. Ils étaient six cents à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. Pendant qu'ils étaient amenés sur la place par petits groupes, certains juifs demandèrent à Ka'b, le chef de leur clan : - Que va-t-on donc faire de nous ?
- Est-ce-que cette fois vous n'allez pas finir par comprendre ? Ne voyez-vous pas que le crieur qui fait l'appel ne bronche pas et que ceux qui sont partis ne reviennent pas ? C'est évidemment la tête tranchée ! Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu'à leur extermination totale. » (Ibn Hichâm, Sira, trad. Wahib Atallah, La biographie du Prophète Mahomet, éd. Fayard p. 277, chapitre « Le “jihad” contre les juifs… » — Sira, II, 240-241.)

(Voir aussi, toujours selon Ibn Hichâm, le sort des Banu Nadir (autre tribu juive) et de ses femmes…)

Sourate 9, At-Tawba (trad. Blachère) : Quand les mois sacrés seront expirés, tuez les Infidèles quelque part que vous les trouviez ! Prenez-les ! Assiégez-les ! Dressez pour eux des embuscades ! […] (Cela sur le modèle de la razzia antéislamique. NB : les infidèles ici désignent probablement les “idolâtres” — cf., dans le discours islamiste, par ex. les Yézidis ; mais l’idée peut s’entendre aussi des juifs, chrétiens ou musulmans non islamistes, donc “apostats”.)

Proposition sans théologie de la substitution : les textes difficiles du Coran, comme cette Sourate 9, ne sont pas à lire en regard de la Sira, écrite au 8e ou 9e s., ou des hadiths qui l’inspirent — qui font du prophète de l’islam un massacreur, mais à lire en regard, par ex. d’un texte comme Matthieu 13, 24-43, la parabole de l’ivraie et son explication, où la séparation du bon grain et du mauvais est renvoyée au jugement final. De même, les “mois sacrés” de la Sourate 9 pourraient être à percevoir comme symbole eschatologique (en effet quand les “mois sacrés” expirent-ils puisque leur rythme est cyclique ?). Proposition en regard de Matthieu : et si leur “expiration” était la fin du temps de grâce, du temps de la patience en quelque sorte — symbolisé par les “mois sacrés” ? Si c’était alors seulement après le temps de ce monde qu’intervient le jugement, effectué par les anges ? — auxquels s’adresserait cette parole coranique, selon une clef donnée par ce grand connaisseur de l’islam qu’était Henry Corbin. Je le cite :

« […] il n'y a pas des Anges séparés de la matière et des âmes destinées par nature à animer un corps matériel organique. Les uns et les autres sont des substantiae separatae : il y a des Anges demeurés dans le plérôme, et il y a des Anges déchus sur la Terre, des Anges en acte et des Anges en puissance. Ou bien encore cette scission peut s'entendre d'un même être, un unus ambo : le pneuma, l'Esprit ou l'Angelos […] est la personne ou l'Ange demeuré dans le Ciel, le “jumeau céleste”, tandis que l'âme désigne son compagnon déchu sur Terre, auquel il vient en aide et qui lui sera réuni, s'il sort finalement triomphant de l'épreuve. […] Si l'âme a pour fonction étymologiquement d'animer, si elle est substance complète indépendamment du corps matériel organique qui la fixe provisoirement, c'est qu'elle a laissé dans le monde de lumière son “vrai corps”, le corps céleste d'une pure matière encore “immatérielle”, ou le vêtement de lumière qu'elle doit revêtir. » (Henry Corbin, Temps cyclique et gnose ismaélienne, éd. Berg, p. 116-117)

Cf. Matthieu 18,10 : “leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux”.

La parabole — Matthieu 13, 24-30 — et son explication — Mt 13, 36-40 :
24 Jésus leur proposa une autre parabole : “Il en va du Royaume des cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
25 Pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu ; par-dessus, il a semé de la mauvaise herbe en plein milieu du blé et il s’en est allé.
26 Quand l’herbe eut poussé et produit l’épi, alors apparut aussi la mauvaise herbe.
27 Les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de la mauvaise herbe ?
28 Il leur dit : C’est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui disent : Alors, veux-tu que nous allions la ramasser ? —
29 Non, dit-il, de peur qu’en ramassant la mauvaise herbe vous ne déraciniez le blé avec elle.
30 Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Ramassez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier. […]
36 Laissant les foules, il vint à la maison, et ses disciples s’approchèrent de lui et lui dirent : “Explique-nous la parabole de la mauvaise herbe dans le champ.”
37 Il leur répondit : “Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ;
38 le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume ; la mauvaise herbe, ce sont les sujets du Malin ;
39 l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.
40 De même que l’on ramasse la mauvaise herbe pour la brûler au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde […].


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Aune du jugement, la fidélité de Dieu à sa miséricorde — 2 Ti 2, 13 : « si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même ».

RP

mardi 14 novembre 2023

Éléments pour comprendre le 7 octobre…


Page 277 :

« Et le Prophète ordonna de tuer tous les hommes des Banu Quraydha [tribu juive], et même les jeunes, à partir de l'âge où ils avaient les poils de la puberté.

Les Banû Quraydha sont égorgés (Sîra, II, 240-241)

Le Prophète ordonna de faire descendre de leurs fortins les Banû Quraydha et de les enfermer dans la maison de Bint al-Hârith. Il alla ensuite sur la place du marché de Médine, la même que celle d'aujourd'hui (du temps d'Ibn Hichâm), et y fit creuser des fossés. Puis il fit venir les Banû Quraydha par petits groupes et leur coupa la gorge sur le bord des fossés. Parmi eux, il y avait Huyayy ibn Akhtab, l'ennemi de Dieu, et Ka'b ibn Asad, le chef des Quraydha. Ils étaient six cents à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. Pendant qu'ils étaient amenés sur la place par petits groupes, certains juifs demandèrent à Ka'b, le chef de leur clan :
- Que va-t-on donc faire de nous?
- Est-ce-que cette fois vous n'allez pas finir par comprendre? Ne voyez-vous pas que le crieur qui fait l'appel ne bronche pas et que ceux qui sont partis ne reviennent pas? C'est évidemment la tête tranchée!
Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu'à leur extermination totale. […] »

Cf. aussi l'histoire des Banû Nadir et de Çafiyya.

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Il est urgent de combattre intellectuellement l’islamisme et pour cela d'essayer de comprendre ses bases théologiques (fondées dans des traditions — tardives : la Sira date des VIIIe-IXe s., écrite en parallèle et en accord avec les recueils de hadith). S'y trouvent des traditions guerrières, antisémites et misogynes (à même de fonder toutes les exactions), à dénoncer au nom d'enracinements de foi plus profonds, ouverts et fraternels.

Les historiens datent en général la Sirâ de Ibn Hichâm de l'époque abbasside, de l'année 820 env. Elle est supposée basée sur la Sirâ de Ibn Ishaq, aujourd'hui disparue. Rien ne permet d'admettre la fidélité de Ibn Hichâm à Ibn Ishaq. Mais il ne fait pas de doute que c'est un texte de commande califale — visant à justifier les pratiques guerrières, policières, polygamiques, de tel ou tel calife.