samedi 14 décembre 2024

Consternant !


À l'heure où en France explose l'antisémitisme (mais il ne faut pas employer ce mot déshonoré : on en a tous les codes mais jamais le mot) sous couvert d'"antisionisme", à l'heure où localement, à l'appui de la mémoire des justes protestants de la dernière guerre mondiale protégeant les juifs, des protestants bataillent pour soutenir les juifs mis en cible par l'"antisionisme" — que font nos instances, que fait Réforme ? Ils diffusent largement (trois pleines pages de Réforme du 12.12.24), sous les motifs de "justice" et "réconciliation", un vocabulaire digne de 1984 d'Orwell ("La vérité, c'est le mensonge", "la guerre, c’est la paix", "la liberté, c’est l’esclavage") : "génocide", "apartheid"…, qui transforme les juifs en bourreaux, en cibles vivantes. (Sans jamais s'interroger sur le sens ni sur la réalité de tels mots !) Merci Réforme, merci les porte-parole du protestantisme français !

R. Poupin

Un mot déshonoré


“Ce mot, Hitler l'a déshonoré à jamais” écrit Georges Bernanos en 1944. On ne l’utilisera donc plus. Mais quid de la chose que désignait ce mot ?


“Il n'y eut jamais de la part de Bernanos, même […] quand il se situait à la pointe du combat contre le régime de Pétain, de global ni fondamental rejet de l'antisémitisme, mais, plutôt, en 1948, l'année de sa mort, une sorte de répudiation, esquissée, inachevée, avec une motivation superficielle : ‘Ce mot (“antisémite”) Hitler l'a déshonoré à jamais’.” (Arnold Mandel, “Un texte trop oublié”, Le Monde, 6.10.1978.)

Bernanos, cité en entier : “Il y a une question juive. Ce n'est pas moi qui le dis, les faits le prouvent. Qu'après deux millénaires le sentiment raciste et nationaliste juif soit si évident pour tout le monde que personne n'ait paru trouver extraordinaire qu'en 1918 les alliés victorieux aient songé à leur restituer une patrie, cela ne démontre-t-il pas que la prise de Jérusalem par Titus n'a pas résolu le problème ? Ceux qui parlent ainsi se font traiter d'antisémites. Ce mot me fait de plus en plus horreur, Hitler l'a déshonoré à jamais.” (Bernanos, 24 mai 1944 dans O Jornal, presse brésilienne, reproduit dans Le Chemin de la Croix-des-Âmes (1948), Gallimard, p. 421-422.)

Le mot est déshonoré, il faut le remplacer pour désigner la chose — qui n'a pas disparu ! Qui aujourd’hui confesserait être antisémite, quand bien même il manifesterait tout ce qui caractérise la chose ? Le mot étant déshonoré, il faudra en trouver un autre…

En 1965, Vladimir Jankélévitch en a noté un, qui désigne la même chose — un autre nom toujours pas déshonoré à ce jour, “antisioniste” : “L'antisionisme est l'antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d'être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort.” (Jankélévitch, L'Imprescriptible.)

(Même problème avec le mot "raciste", désohonoré — et déshonorant le mot "race" remplacé par le mot "cultures" au pluriel. — Derrière le mot "raciste" déshonoré, la chose — qu'elle vise les juifs, les "noirs", les "jaunes" ou autres — n'a pas disparu pour autant !)

RP, 8 nov. 2024

lundi 9 décembre 2024

Un édifice plus vaste que lui-même...



On ne savait pas ce que l'incendie de Notre-Dame de Paris nous a révélé comme perception diffuse d'une spiritualité commune. Œcuménique. Au-delà du seul rite catholique. Comme le Temple de Jérusalem qui était au strict plan cultuel un lieu sadducéen, une seule des mouvances spirituelles de l'Israël d'alors. Il n'en vaut pas moins, menacé de destruction par l'Empire romain, le trouble de la plupart, y compris non-sadducéens, comme Jésus lui-même. Chacun y a le symbole de son propre enracinement spirituel. Comme, d'une façon à la fois différente et similaire, Notre-Dame : elle est antérieure à la division religieuse de la France et de la chrétienté latine, division qui date, non pas du XVIe siècle, mais du XIVe, avec la division de la papauté-même. Depuis, plusieurs mouvances tentent la réunification, une réunification qui ne soit pas de surface, mais vraie et profonde. La Réforme est une de ces mouvances, une de ces tentatives. Toutes ont échoué. La division, remontant au XIVe siècle, sera entérinée par les guerres civiles-religieuses et la distribution divisée des affectations des édifices du culte. Comme pour le Temple de Jérusalem, affecté aux sadducéens, Notre-Dame est affectée au culte catholique, mais tous, dans un cas comme dans l'autre, y reconnaissent aussi quelque chose de leur propre vie spirituelle, jusqu'au-delà du christianisme aujourd'hui, jusqu'au-delà des frontières, comme les Grecs de l'évangile de Jean venus à Jérusalem (Jn 12, 20sq.). C'est ce à quoi on a assisté dans une destruction, symbole d'une destruction spirituelle, incendie symbole d'un effondrement religieux, comme il en sera du Temple de Jérusalem, qui n'affecte pas que le seul culte auquel il est réservé, mais où tous, jusqu'au-delà des frontières du pays, se reconnaissent à leur façon, comme aujourd'hui dans la réhabilitation de Notre-Dame.