mardi 30 septembre 2025

Tibet / Chine — passé cathare / "forteresses royales"

Le pog de Montségur (photo sur le fb de Chantal Audabram)


Un parallèle troublant… celui de deux exemples qui soulèvent la question de la substitution d'une mémoire et d'une identité locales (Tibet / cathares) par une histoire et une identité imposées par une puissance centrale ou dominante (Chine / Royauté française).


1. Effacement du Tibet par la Chine

La politique chinoise au Tibet depuis l'annexion en 1950 est souvent décrite comme une tentative de sinisation et d'effacement culturel.

Substitution culturelle et religieuse : Le bouddhisme tibétain, pilier de l'identité tibétaine, a été sévèrement réprimé, notamment lors de la Révolution culturelle (destruction de plus de 90 % des monastères, d'après certaines estimations).

Contrôle politique et démographique : La région a été intégrée, et son autonomie est considérée comme un mythe par les critiques. L'arrivée massive de colons Han (ethnie majoritaire chinoise), encouragée par des projets d'infrastructure comme la voie ferrée vers Lhassa, a rendu les Tibétains minoritaires dans de nombreuses villes, menaçant ainsi la cohésion et l'identité tibétaines.

Langue et éducation : Le chinois (mandarin) est devenu la langue principale de l'enseignement au-delà du primaire, limitant la diffusion de la langue tibétaine dans l'espace public et administratif, contribuant à un effacement progressif.

Réécriture de l'histoire : Le gouvernement chinois publie des "Livres blancs" qui présentent le Tibet comme faisant historiquement et intégralement partie de la Chine, transformant son histoire en une région "libérée" du "servage théocratique" en 1959, niant l'existence d'un Tibet indépendant.

Le nom officiel utilisé par la Chine pour désigner la région correspondant au Tibet central et occidental est Xizang.

L'utilisation insistante de ce terme par le gouvernement chinois, y compris dans ses communications internationales (comme dans les "Livres blancs" officiels) au lieu du terme historique et largement reconnu de "Tibet", est un point de friction majeur et est perçue par beaucoup comme une stratégie d'effacement de l'identité tibétaine.


2. Effacement du passé cathare par les "Forteresses Royales"

Dans le Sud de la France, l'histoire des châteaux désignés habituellement sous le nom de "châteaux cathares" est étroitement liée à la Croisade contre les Albigeois (1209-1229) et à la répression du catharisme.

Le catharisme et les châteaux : Les cathares, religieux ascétiques, ne possédaient pas de biens matériels et n'ont pas construit de forteresses. En revanche, certains châteaux (comme Montségur, Quéribus, Peyrepertuse) étaient des possessions de seigneurs locaux (les "faidits") qui étaient des soutiens et des protecteurs du catharisme, voire parfois des croyants des cathares. Ces forteresses sont devenues des lieux de résistance, Montségur étant le symbole le plus poignant (chute en 1244).

La reprise royale : Après la victoire de la royauté française sur les seigneurs occitans, les châteaux clés qui avaient résisté ou servi de refuge aux cathares ont été confisqués par le roi de France (Saint Louis IX, puis Philippe le Hardi). Ils ont été massivement reconstruits, démolis et rebâtis selon les plans capétiens (un style très rationnel et efficace, comme les modèles du Louvre), et transformés en forteresses royales avancées sur la nouvelle frontière avec l'Aragon.

La dénomination "Forteresses Royales du Languedoc" est utilisée, notamment pour une candidature à l'UNESCO, pour souligner le devenir architectural et stratégique de ces sites après la croisade. C'est l'étape où ils sont devenus des symboles du pouvoir centralisateur français et de l'annexion du Languedoc au Royaume. Le terme "châteaux cathares" évoque le drame historique et la résistance occitane-cathare, même s'il est historiquement imprécis quant aux constructions originelles.

Le passage du statut de refuges cathares / châteaux seigneuriaux occitans à celui de "forteresses royales" symbolise l'effacement politique et militaire de l'autonomie occitane et du catharisme, et l'implantation durable d'une nouvelle identité royale et française dans le Languedoc.


Dans les deux cas, la question pose une tension entre la mémoire locale (culture tibétaine et bouddhisme / mémoire occitane et cathare) et le récit historique et politique de la puissance dominante (sinisation par la Chine / annexion et construction nationale par la France capétienne).

Au Tibet, un processus d'assimilation sous une forte répression, tandis que le Pays cathare est un exemple historique de substitution politique et de récupération architecturale et mémorielle par l'État central : la dénomination ne peut qu'être sujette à débat !


lundi 22 septembre 2025

Shana tova 5786


Roch Hashana 5786
Bonne année !

mardi 2 septembre 2025

Il suffirait que le Hamas...



Il suffirait que le Hamas libère les otages et reconnaisse sa défaite militaire, inéluctable, en déposant les armes, et les souffrances des Palestiniens cesseraient ipso facto. Cela ne laisse aucun doute : quel intérêt aurait Israël, déjà défait médiatiquement, à continuer une guerre qui le ruine un peu plus chaque jour médiatiquement. La propagande du Hamas, relayée par son alliée théologique qatarie / PSG, Al-Jazira, est déjà universellement répercutée par les instances internationales de toute sorte. Une propagande médiatique qui se traduit par l'obtention d'une de leurs revendications : la reconnaissance par des pays de plus en plus nombreux d’un État palestinien, c’est-à-dire actuellement (et l'organisation s'en est félicitée, parlant de "première étape"), de facto, d’un État-Hamas, comme le rappelle Salman Rushdie.

La guerre s’arrêterait si la haine islamiste d’Israël et des juifs n’était pas infiniment plus grande que le souci des Palestiniens. Le refus des chefs du Hamas de reconnaître leur défaite militaire inéluctable, déjà factuelle, ne traduit rien d’autre que cette haine d’Israël : quel qu'en soit le prix pour les civils palestiniens, faire payer à l'État hébreu le plus cher possible, en termes de discrédit mondial, sa supériorité militaire, sans laquelle Israël aurait été déjà rayé de la carte, “de la rivière à la mer” — par des répliques démultipliées du 7 octobre pour ceux qui ne pourraient pas fuir, par la confrontation pour ceux qui le pourraient à un antisémitisme, pardon “antisionisme”, décuplé dans le reste du monde (cf. par ex. leur accueil en Grèce), dès le 8 octobre, trois semaines avant la réplique de Tsahal (qui depuis sert de prétexte).

Aucun autre moteur que cet “antisionisme” : les Palestiniens ne sont pas le sujet (pas plus que leur faim) ! Akram Belkaïd dans un éditorial du Monde diplomatique daté de Septembre 2025, intitulé “Complicités arabes”, écrit d’entrée, dans un article certes anti-israélien : « Les pays arabes ne porteront pas secours à Gaza. Aucun d’entre eux n’a engagé la moindre initiative diplomatique d’envergure pour empêcher la réoccupation de l’enclave et mettre fin au déluge israélien de feu et d’acier qu’elle subit depuis bientôt deux ans. […] Contrairement à ce qui advint en 1973 pendant la guerre d’Octobre [i.e. de Kippour], l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (Opaep) ne cherche pas à convaincre les autres producteurs de restreindre les livraisons d’or noir […]. Certains événements symbolisent parfaitement ce changement d’époque : alors que les armes américaines continuent d’affluer en Israël […], l’USS Forrest Sherman, un destroyer de la marine de guerre des États-Unis, fait tranquillement escale à Alger en mai. […] Georges Ibrahim Abdallah fustige les peuples autant — sinon plus — que leurs dirigeants. “Les enfants de Palestine meurent de faim, déclarait-il à son arrivée à Beyrouth. C’est une honte pour l’histoire. Une honte pour les masses arabes, plus encore que pour les régimes. Les régimes, on les connaît. Combien de martyrs sont tombés dans les manifestations ? En tentant de franchir les frontières de Gaza ? Aucun.” » Complicité arabe certes pas pro-israélienne mais qui n’a que faire des Palestiniens. Comme en Occident, on s’auto-justifie en se considérant dans le “bon camp”, le même “bon camp” que pour les Occidentaux…

Les complices occidentaux des islamistes du Hamas — volens nolens, et même s’ils s’en défendent —, ont pour leur part repris en boucle la propagande de l’organisation terroriste : dès le 8 octobre, à l’instar des campus américains, la gauche "radicale" française parle, à propos de l’horreur du 7 octobre, de “résistance” (comme si en France la résistance avait consisté à violer massivement les femmes, à assassiner les enfants, et à publier fièrement cela — sur Internet en 2023 !). Dès le 8 octobre le NPA parle explicitement de “résistance”, quand LFI prend de longs jours avant de concéder du bout des lèvres le terme de terrorisme. On est avant la réplique d’Israël à Gaza, ayant pour but de libérer les otages et de défaire le Hamas ; Israël qui n’a plus le choix : c’est tout simplement sa survie qui est en jeu. Le Hamas ne s’en cache pas. Il préfère se cacher dans ses tunnels — creusés, en plus de l’achat d’armes, grâce aux énormes subventions reçues pendant des années (avec, à l'époque, l'aval de Netanyahou), et qui n’ont pas servi à la population qui sert à présent de bouclier humain pour discréditer un peu plus Israël, qui y joue rien moins que sa survie. Caché dans ses tunnels, le Hamas se cache médiatiquement derrière la souffrance des Gazaouis, dans une confusion avec ses victimes qui ne heurte pas les bonnes consciences occidentales, s’auto-justifiant sans risque derrière leur auto-proclamée “compassion” des Palestiniens qui ne dénonce jamais leurs bourreaux — façon flottilles qui s’auto-glorifient des “risques” qu’elles prennent, et qui consistent à être arraisonnés et accueillis avec café-croissants par Tsahal… Et les “antisionistes” occidentaux de s’auto-réjouir d’être si bons quand ils se contentent de faire d’Israël le bouc émissaire de leur culpabilité d’enfants de puissances ex-coloniales. Israël pourtant, de fait décolonisé en 1948 pour une décolonisation ipso facto refusée par les Arabes, qui ont rejeté toutes les propositions, refus aujourd’hui porté essentiellement par l’islamisme : un État juif souverain est, islamistement parlant, inconcevable.

Et les “antisionistes” occidentaux de ne pas voir qu’ils ne font que réactiver le plus classique des antisémitismes. Georges Bernanos, introduisant un sien propos célèbre, clame son antisionisme : « Il y a une question juive. Ce n'est pas moi qui le dis, les faits le prouvent. Qu'après deux millénaires le sentiment raciste et nationaliste juif soit si évident pour tout le monde que personne n'ait paru trouver extraordinaire qu'en 1918 les alliés victorieux aient songé à leur restituer une patrie, cela ne démontre-t-il pas que la prise de Jérusalem par Titus n'a pas résolu le problème ? Ceux qui parlent ainsi se font traiter d'antisémites. Ce mot me fait de plus en plus horreur, Hitler l'a déshonoré à jamais. » (Bernanos, 24 mai 1944 dans O Jornal, presse brésilienne, reproduit dans Le Chemin de la Croix-des-Âmes (1948), Gallimard, p. 421-422.)

Le mot antisémitisme déshonoré (qui aujourd’hui se déclarerait antisémite ?), en accord avec Bernanos on a trouvé le nouveau terme, inventé par Staline, puis dévoilé pour ce qu’il est par Vladimir Jankélévitch (L'Imprescriptible, 1965) : « L'antisionisme est l'antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d'être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. » On en est là…


PS : la lettre du président de l'AJCF : Interdit aux juifs ?


vendredi 29 août 2025

Trois fléaux, trois menaces


Illustration : Maggie Hall


« Notre anxiété fait écho à celle du Voyant dont nous sommes plus près que ne le furent nos devanciers, y compris ceux qui écrivirent sur lui, singulièrement l'auteur des Origines du christianisme, lequel eut l'imprudence d'affirmer : “Nous savons que la fin du monde n'est pas aussi proche que le croyaient les illuminés du premier siècle, et que cette fin ne sera pas une catastrophe subite. Elle aura lieu par le froid dans des milliers de siècles…” L'Évangéliste demi-lettré a vu plus loin que son savant commentateur, inféodé aux superstitions modernes. Point faut s'en étonner : à mesure que nous remontons vers la haute antiquité, nous rencontrons des inquiétudes semblables aux nôtres. La philosophie, à ses débuts, eut, mieux que le pressentiment, l'intuition exacte de l'achèvement, de l'expiration du devenir. » (Emil Cioran, Écartèlement, Gallimard, 1979, p. 60-61)

« Le jour du Seigneur viendra comme un voleur ; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée. » (2 Pierre 3.10)

1er fléau, la menace écologique que l’on ne corrigera pas. Trop inféodés au capitalisme consumériste (y compris les tenants de la gauche “radicale” comme l'avait été le communisme soviétique — cf., entre autres, Tchernobyl). Entre autres vérifications du fait qu’on ne corrigera rien : le refus récent, à Genève, de l'accord sur la limitation des plastiques (cf. l'analyse de J.-P. Sanfourche sur Forum protestant) : géré par autant de pays et lobbys qui ne veulent pas d’accord, tous inféodés à Mammon, y compris le commun des mortels qui tenons à notre consumérisme / « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » (Matthieu 6.24 ; cf. // Luc 16.13)

2e fléau, lié au premier, les replis identitaires sur les intérêts à court terme de chacun, chaque nation : « Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume » (Matthieu 14.7). Les identitarismes — russe, tentant de conquérir l’Ukraine, fût-ce au prix de bombardements des civils (ou : "Les Américains vont s'entendre avec les Russes et leur laisser l'Europe", aurait estimé Cioran en 1986 selon Anca Visdei, Cioran ou le gai désespoir, L'Archipel p. 383) ; repli américain, taxant le monde entier et méprisant la menace écologique ; ou les nostalgiques des communismes meurtriers du XXe siècle (nostalgie russe aussi, et nord-coréenne ou chinoise), ne dédaignant pas de s’allier avec l’identitarisme de l’islam politique (pourtant auto-suicidé — pléonasme volontaire — contre les tours de New York, cela confirmé le 7 octobre 2023), apparemment très opposé à toute gauche “radicale” ou “wokiste”, mais de facto similaire quant aux nostalgies meurtrières.

3e fléau, tous ces identitarismes ont “bénéficié” de la prolifération nucléaire et se sont dotés, ou essaient de se doter de la Bombe (de beaucoup de bombes, de nos jours toutes 100 fois plus puissantes que celle d'Hiroshima)… jusqu’au jour où, si les guerres en multiplication et la menace écologique n’ont pas accompli la catastrophe, tel ou tel “dérapage” nucléaire s’en chargera… hâtant le jour où « les cieux enflammés se dissoudront et les éléments embrasés se fondront » (2 Pierre 3.12).


Søren Kierkegaard, « nous demande d'imaginer un très grand navire confortablement aménagé. C'est vers le soir. Les passagers s'amusent, tout resplendit. Ce n'est que liesse et réjouissance. Mais sur le pont, le capitaine voit un point blanc grossir à l'horizon et dit : "La nuit sera terrible". Il distribue les ordres nécessaires aux membres de l'équipage. Puis, ouvrant sa Bible, il lit juste ce passage : "Cette nuit-même, ton âme te sera redemandée". Pendant ce temps. Dans les salons on continue de festoyer. Les bouchons de champagne sautent. L’orchestre joue de plus en plus fort. On boit à la santé du capitaine. Et "La nuit sera terrible".

« Kierkegaard imagine alors une situation plus effrayante encore. Les conditions sont exactement les mêmes avec cette différence que, cette fois-ci, le capitaine est au salon, rit et danse, il est même le plus gai de tous. C'est un passager qui voit le point menaçant à l'horizon. Il fait demander au capitaine de monter un instant sur le pont. Il tarde ; enfin il arrive. Mais il ne veut rien entendre et plaisantant, il se hâte de rejoindre en bas la société bruyante et désordonnée des passagers qui boivent à sa santé dans l'allégresse générale. Et il adresse ses remerciements chaleureux".

« Le monde occidental en général et ses Églises en particulier
— commente le professeur Jean Brun qui cite Kierkegaard en 1976, deux ans après le premier “choc pétrolier” — ressemblent de plus en plus à ce navire que le point menaçant à l'horizon engloutira lorsqu'il deviendra typhon. Tout le monde danse dans les salons. Les capitaines sablent le champagne et maudissent les pessimistes qui scrutent l'horizon et qui n'ont confiance ni dans le dieu Progrès ni dans les capacités des Grands Timoniers qui prétendent tenir solidement la barre et diriger fermement le navire social alors qu'ils ne font que l'infléchir selon les courants définis par les sondages d'opinions, cette boussole sans Nord prise aujourd'hui comme compas suprême. » (Jean Brun, citant Søren Kierkegaard, Note du Journal de 1855, dans L'Instant, trad. P.-H. Tisseau, 1948, p. 247 — in « Sablons le champagne », Foi et vie, Janvier-Février 1976.)

*

PS : « Un jour, un incendie se déclara dans les coulisses d’un grand théâtre. Un clown, qui venait juste de jouer son rôle dans le spectacle, revint sur la piste pour en avertir le public : Sortez, sortez vite, le théâtre est en feu ! Les spectateurs, pensant tout de suite que ce n’était qu’une bonne blague faisant partie du spectacle, se mirent à rire et à applaudir. Le clown répéta alors l’avertissement : Sortez ! Mais sortez donc ! Malheureusement, plus il insistait, plus les applaudissements augmentaient.
Je pense que c'est ainsi que le monde périra, dans l'exultation générale des têtes spirituelles croyant qu'il s'agit d'une plaisanterie. »
(Søren Kierkegaard, Ou bien… ou bien, coll. Bouquins p. 38)



Illustration : Lonni Sue Johnson

jeudi 28 août 2025

À propos des citadelles du vertige classées par l'Unesco comme "forteresses royales"

Une tribune de l'Obs, écrite par Arnaud Fossier, nous affirme "que nous ne les connaissons [les hérétiques cathares] qu’au travers de traités rédigés par des clercs catholiques à la fin du XIIe siècle, qui leur sont naturellement très hostiles".
C'est nettement incomplet, pour ne pas dire faux ! Les cathares nous ont laissé, notamment :

deux traités de théologie en latin : un "traité anonyme" conservé dans un Liber Contra Manicheos (daté selon les spécialistes soit du début XIIIe soit de la fin du XIIe siècle, Occitanie), et, développant une théologie similaire, le Livre des deux Principes / Liber de duobus Principiis (XIIIe siècle, Italie), au titre éloquent sur leur théologie ;
trois rituels : un en latin, en annexe du Livre des deux Principes ; deux en occitan, un dit de Lyon (où il est conservé), en annexe d'un Nouveau Testament traduit en occitan par les cathares, un dit de Dublin (où il est conservé) ; auxquels rituels cathares on peut ajouter le rituel bosniaque de Radoslav, parallèle bogomile attestant le contact bogomilo-cathare ;
d'autres traités de théologie produits par les cathares accompagnant le "rituel de Dublin" : une longue glose du Pater, une Apologie de la vraie Église de Dieu. (voir les PRÉCISIONS ICI et ICI).

RP

(Sur ces citadelles du vertiges, VOIR ICI)


Articles sur les cathares ICI, ICI, et ICI.

mardi 26 août 2025

Mémoire de la St-Barthélémy 1572


D'après l'historien Jérémie Foa

Diffusé le mardi 26 août à 21h10 sur France 2 :

première partie
deuxième partie

Le titre du film, très juste, ouvrira sur la tentation de certains de renvoyer dos-à-dos les bourreaux et les victimes, croyants les uns comme les autres. Tentation qui fait bon marché de ce que le fanatisme totalitaire, débuté en effet en Occident moderne avec le catholicisme de l'Inquisition, a connu des concurrents athées au XXe siècle (nazisme, marxismes, etc.), qui ont battu tous les records antécédents, et de loin, en nombre de massacres — athées aujourd'hui concurrencés à leur tour par l'islam partout où il est au pouvoir : Iran, Afghanistan, etc., et partout où il essaie d'y être, universellement : projets salafistes et fréristes d'al Qaïda, Daesh, Boko Haram, Hamas, etc., etc. (sans oublier ceux qui les soutiennent), qui eux justifieraient bien le titre du film, légèrement repensé par ceux qui n'oublient pas le passage athée du XXe : tuer au nom d'une idéologie, i.e. (c'est rendu clairement visible par le totalitarisme islamique) : au nom d'une idole, fût-elle idole unique.

*

Sur la St-Barthélémy 1572 proprement dite, n’oublions pas la thèse essentielle de Jean-Louis Bourgeon, appuyée sur des lettres et témoignages qui montrent que la royauté n'aurait pas exécuté les chefs protestants, mais s’est vantée a posteriori d’un contrôle qu’elle n’avait pas réellement afin de garder la légitimité politique.
Jean-Louis Bourgeon s'appuie notamment sur la lettre de Louis de Gonzague, duc de Nevers, écrite à Catherine de Médicis le 20 août 1573, un an après la Saint-Barthélemy, pour montrer que la royauté a surtout cherché à “sauver la face” et à se présenter comme en contrôle, alors qu'en réalité elle était dépassée par les événements (cf. Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, tome 160, 2014, pp. 709-732).
Le duc de Nevers décrit la Saint-Barthélemy comme une “sédition”, une “rébellion” et une “émeute générale”, au lieu du fruit d’une décision de la famille royale. Selon cette source, la royauté fut une cible des violences et de la manipulation des grands seigneurs catholiques, et non le véritable instigateur du massacre.
Il extrait de la lettre la notion d’une “querelle du bien public couverte du manteau de Religion”, où la royauté doit se justifier face à une population qui la considère comme “faillible” ou “complice”.
Bref, la politique de communication royale aurait consisté à donner l’illusion d’une maîtrise, notamment en revendiquant l’exécution des chefs huguenots pour rassurer le public et éviter d’apparaître impuissant devant le peuple et les factions radicales.

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Retour à l'actualité… La haine fanatique vertueuse contre l'hérésie que souligne le film évoque redoutablement la haine antisémite vertueuse actuelle, fanatique de même, qui semble ne plus connaître de frein contre un terrible déchaînement…

Ci-dessous, comme arrière-plan : l'affaire Mortara… Voir le film de Marco Bellocchio sur l'histoire d'Edgardo Mortara. Dans le film, intitulé L'enlèvement, parmi les musiques qui l'accompagnent :

— la scène onirique de la décrucifixion d'un crucifix, musique d'après Arvo Pärt, Cantus in Memoriam Benjamin Britten :


— la scène de l'enlèvement nocturne d'Edgardo Mortara, musique d'après Sergei Rachmaninov, L'île des morts :