mercredi 13 mars 2024

Pour comprendre — les origines de…

… ce dont tout le monde parle, le plus souvent sans en savoir grand-chose…




Résumé (4ème de couverture)

La genèse du conflit israélo-arabe, dont l’actualité est surabondamment couverte par les médias, demeure paradoxalement mal connue.

Si c’est au sortir de la Première Guerre mondiale que se cristallise ce qui n’est pas seulement le choc de deux nationalismes, mais un affrontement culturel recouvert par un conflit « religieux » et d’innombrables polémiques sur la nature du projet sioniste, c’est bien avant 1914 qu’il a pris forme dans le discours à la fois des élites arabes, de la vieille communauté juive séfarade et des sionistes d’Europe orientale.

Ces discours, dominés par la propagande, Georges Bensoussan montre qu’ils sont à mille lieues d’une véritable connaissance historique. Ce faisant, il met en lumière l’importance de la dimension culturelle et anthropologique dans la connaissance d’un conflit dont aucun des schémas explicatifs classiques – du nationalisme au colonialisme en passant par l’impérialisme – n’est véritablement parvenu à rendre compte.

vendredi 8 mars 2024

Et si l'idée n'était pas morte ?



"Il s'agit de s'inspirer de l'expérience de la coalition internationale contre Daech et voir quels aspects sont réplicables contre le Hamas. Nous sommes donc disponibles pour réfléchir, avec nos partenaires et Israël, aux pistes d'actions pertinentes contre le Hamas" (Prés. E. Macron, Jérusalem, 24 octobre 2023).

Seul moyen de ne pas laisser les victimes (Israël, les juifs, les otages du Hamas, le peuple palestinien captif du Hamas, les femmes), ne pas les laisser sombrer dans la défaite, après la défaite médiatique actuelle. Des signes ?… comme le port de secours proposé par les USA, approuvé par Israël (preuve supplémentaire qu'il n'a aucune visée génocidaire) ?

… puisque la menace islamiste, on le sait depuis le 11/09 — les femmes tout particulièrement le savent, depuis l'Iran, l'Afghanistan, Gaza… —, la menace est internationale !

Cf. ICI

RP, 8 mars 2024





jeudi 7 mars 2024

Face à la défaite médiatique



Aujourd’hui, à Gaza, le visage de l’autre sombre… La stratégie inhumaine du Hamas l’a emporté, a piégé Israël. Les terroristes ont bâti leur inaccessibilité de telle sorte que n’apparaissent plus que des civils mutilés par les bombes, affamés, vision d’horreur médiatiquement démultipliée. Israël doit se rendre au réel de la défaite médiatique, sauf à faire de la parole de Jankélévitch une atroce prophétie : « L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. » (Vladimir Jankélévitch, L’Imprescriptible, 1965)

Une guerre contre un fascisme extrême ne se gagne pas que militairement. Aujourd’hui, elle se perd militairement quand les armes n’ont plus que la puissance, en regard de la monstruosité de la souffrance subie par les civils otages et boucliers du Hamas, de transformer inéluctablement les vainqueurs en bourreaux, vus comme génocidaires intentionnels. Israël doit à présent se mettre face au réel et admettre sa défaite médiatique, car c’est une défaite… sachant que l’heure est venue pour lui de soigner, entrant dans une autre lutte, pour une autre victoire, celle de l’humain contre l’inhumain, celle d'une toute nouvelle reconnaissance de l'autre.

Le conflit mondial contre les nouveaux totalitarismes sera sans doute long. Il ne se gagnera pas par les moyens des terroristes. Mais par un refus radical de leur ressembler. L’heure est au retour sur soi, techouva, changement d'optique.



King Crimson - Requiem

Cf. ICI

RP, 7 mars 2024

jeudi 1 février 2024

Shoah





Contre la concurrence des mémoires. Le nazisme, un débouché :
« Chaque fois qu’il y a au Viêt-nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et […] au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et “interrogés”, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.
Et alors un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.
On s’étonne, on s’indigne. On dit : “Comme c’est curieux ! Mais, Bah ! C’est le nazisme, ça passera !” Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. » (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme)



Cf. aussi "Exploiter les masses, exploiter la race. Une histoire du capitalisme" (avec Sylvie Laurent)

*

Ci-dessous un commentaire de Jean-Paul Sanfourche, qui nous situe entre désespérer et prier. En écho, Cioran écrivant : « L’enfer c’est la prière inconcevable »…

Jean-Paul Sanfourche :
Abondance de documents et de références dans ce blog au chapitre « De plus » en date du 1er de ce mois. Matière à réfléchir. Peut-être à désespérer.
À prier aussi.

Lanzmann, Césaire, Sylvie Laurent.
Shoah, Colonialisme, Capitalisme racial.


Des violences de même nature, qui se nourrissent aux mêmes sources. Qui alimentent encore et toujours un fleuve dont rien ne semble vouloir arrêter le cours. Sous l’égide d’un universalisme né avec le colonialisme, l’agressivité impérialiste sévit sans relâche. Il faut effectivement relire Edgard Quinet, cité dans ce discours par Césaire, pour comprendre, à travers la chute de Rome, son effet destructeur. Celui que nous sommes en train de vivre, parfois dans une monstrueuse inconscience, une complicité aveugle. Dans cette irrésistible « dynamique », nos apathies, au mieux nos révoltes impuissantes, sont nos culpabilités.
A ces documents d’une irréprochable actualité, je me permets d’associer un extrait du journal de Imré Kertész (L’Observateur, p.180-181), afin de comprendre « de quoi il s’agit en réalité ».

Les petits totalitarismes (le nazisme, le communisme etc.) ne sont en fait que les reflets du grand totalitarisme de plus en plus dynamique qu’en général – en comparaison avec ces petits totalitarismes – on appelle liberté, liberté politique. Plus précisément : ces totalitarismes et fondamentalismes nationaux sont des tentatives d’abandon ou de rupture de la laisse que leur a passée au cou la dynamique qui dicte la démarche du monde – principalement l’économie et la finance américaines. Les idéologies qui sont les principes dominants de ces petits totalitarismes faussent cette réalité si parfaitement que les dirigeants politiques de ces totalitarismes eux-mêmes ne connaissent pas exactement le contenu réel de leur activité et de leur but (…) Au début du soviétisme transparaissait encore « quelque chose d’autre », une sorte de résignation concernant les bien matériels, l’idéal de la vie communautaire, mais cela n’a duré qu’un moment (…) l’essentiel est que le diable niche dans les choses – la grande dynamique, la défense contre la liberté qui écrase tout va encore souvent prendre la forme de différents fascismes et ce n’est pas tout : outre l’antiaméricanisme criard et viscéral, personne ne saura de quoi il s’agit en réalité. »

C’est certainement ce « quelque chose d’autre » qui fait écrire à Césaire en 1950, dans son discours publié par les éditions communistes Réclame :

« C’est une société nouvelle qu’il nous faut, avec l’aide de tous nos frères esclaves, créer, riche de toute la puissance productive moderne, chaude de toute la fraternité antique. Que cela soit possible, l’Union Soviétique nous en donne quelques exemples… » Union Soviétique qui participait (tout le monde l’ignorait alors) de ce « grand totalitarisme ». Césaire, dans l’exaltation stalinienne du « réalisme soviétique », ignorait lui aussi, qu’il espérait en un monde qui n’était qu’une nouvelle « machine à écraser, à broyer, à abrutir les peuples. » En 1953, de Moscou, Césaire loue « l’œuvre grandiose » de Staline. Il est bien évident qu’il ne pouvait jouer plus longtemps les « idiots utiles » du totalitarisme, ni s’en accommoder. Et sa lettre à Thorez, en 1956, date à laquelle il rompt avec le PCF, nous permet de mettre en perspective ce pamphlet, frappé au lyrisme enthousiaste des néophytes, sans rien lui ôter de sa force et de son actualité. Il écrit :
« La lutte des peuples coloniaux contre le colonialisme (…) est beaucoup plus complexe que la lutte de l’ouvrier contre le capitalisme français. »

Il faut aussi citer des écrits ultérieurs de Césaire, sans nullement vouloir atténuer son propos, mais pour mieux l’éclairer et ainsi éviter de fâcheux contre sens, qui seraient une injure à son égard :

« Je n’ai jamais accepté de considérer que tous nos malheurs venaient des autres. Bien sûr, c’est toujours la faute à quelqu’un : à l’Europe, à Napoléon, à qui l’on voudra… Oui, mais depuis, deux ou trois siècles se sont écoulés ! Et dans l’intervalle, de nombreuses nations ont réussi à s’en sortir. J’en suis donc persuadé : nous avons une part de responsabilité (…). Il faut que l’Afrique se fasse une raison et cherche des voies de son propre salut. » (Aimé Césaire, Revue Jeune Afrique, publié en 1966).

Césaire n’a jamais, comme on l’insinue parfois, désigné l’Occident comme l’unique coupable. Car il savait « de quoi il s’agit en réalité ». Il connaissait les « principes dominants ».

Prier ? Après Shoah, j’ai relu intensément la conférence de Hans Jonas (Le concept de Dieu après Auschwitz.) « Quel Dieu a pu laisser faire cela ? » Le Dieu de l’Histoire s’effacerait-il derrière ce Dieu souffrant, en devenir, en péril et soucieux ? Serait-il « en agonie jusqu’à la fin du monde » comme l’écrit Pascal, le janséniste ? Lui apportons-nous toute l’aide dont il aurait besoin, s’étant dépouillé de sa toute-puissance ?

Sentinelle, où en est la nuit ?

samedi 27 janvier 2024

Khaybar et le 27 janvier 7 octobre



En ce 27 janvier, commémoration de la Shoah et de la libération du camp d'Auschwitz, Israël est toujours menacé de génocide, quoiqu'il en soit des tentatives de renversement de la réalité.

Le fameux cri dans les manifestations pro-Palestine en Europe,
Khaybar Khaybar ya Yahud, jaysh Muhammad sawfa ya'ud (« Khaybar, Khaybar, ô Juifs, l'armée de Mahomet va revenir »), fait référence au passage ci-dessous de la Sira d’Ibn Hishâm (datant de deux siècles après les événements supposés — sans doute inventés). Khaybar est l'oasis où était la tribu juive des Banu Nadir (selon la Sira l'autre tribu juive massacrée outre celle des Banu Kurayza aux 900 égorgés par le prophète de l’islam). Le texte dit que Safiya est "prise pour épouse" par Muhammad le jour où sont assassinés son mari et son père (que serait-ce d'autre qu'un viol ?).
Chose sans rapport avec l’horreur du 7 octobre ? Les idiots utiles de l’Onu ne savent pas ? Non plus que les autres idiots utiles qui défilent avec des fanatiques qui hurlent cette référence comme menace actuelle !


Histoire de Çafiyya, mère des Croyants (Sîra, II, 636)

Les captives de Khaybar furent largement réparties entre les musulmans. Le Prophète eut en partage Çafiyya, fille de Huyayy ibn Akhtab (l'un des chefs des Banû Nadir exilés de Médine à Khaybar) et deux de ses cousines. Il garda pour lui Çafiyya et donna les deux cousines à l'un de ses compagnons de combat, Dihya ibn Khalifa, qui avait pourtant souhaité avoir Çafiyya. Bilâl, le muezzin, l'avait ramenée avec l'une de ses compagnes. Il passa avec les deux captives au milieu des cadavres des juifs tués au combat. À cette vue, la compagne de Çafiyya éclata en sanglots, se déchirant le visage et couvrant de terre ses cheveux. La voyant dans cet état, le Prophète dit : « Éloignez de moi cette furie satanique ! » Et il fit venir Çafiyya, la fit asseoir derrière lui et jeta sur elle son manteau : les musulmans comprirent que le Prophète se la réservait. Puis, il fit des reproches à Bilâl : « As-tu donc, Bilâl, totalement perdu tout sentiment de pitié au point de faire passer ces femmes devant les cadavres de leurs hommes ? » Çafiyya avait vu en songe, lorsqu'elle était mariée à Kinâna ibn Rabî', qu'une lune était tombée dans son sein. Elle avait raconté ce songe à son mari. « Cela ne veut dire qu'une chose, c'est que tu désires avoir Muhammad, le roi du Hijâz. » Et, furieux, il lui avait donné une gifle si forte qu'elle en eut l'œil poché. Elle en portait encore la marque lorsqu'on l'amena auprès du Prophète. Et c'est elle qui lui raconta ce songe et son histoire.
Çafiyya fut peignée, maquillée et préparée pour le Prophète par Umm Anas ibn Mâlik. Il passa sa première nuit avec elle sous une tente ronde.
Abû Ayyûb, un compagnon du Prophète, passa la nuit, le sabre à la taille, à monter la garde autour de la tente. Le lendemain matin, à son réveil, le Prophète le vit rôder autour de sa tente :
Que fais-tu ici ? lui demanda-t-il.
Envoyé de Dieu, cette femme a suscité en moi des craintes pour ta vie. Tu as déjà tué son père, son mari et sa famille. Sa conversion à l'islam est toute récente et cela m'a inquiété pour toi.
Seigneur Dieu, protège Abû Ayyûb, comme il a passé la nuit à me protéger.

Hudaybiyya ou la trêve…
Le trésor des Banû Nadîr
(Sira, II, 336-337)

On amena auprès du Prophète Kinâna ibn Rabî', le mari de Çafiyya, qui détenait le trésor des Banû Nadîr. Le Prophète lui demanda de révéler où était le trésor. Kinâna affirma n'en rien savoir. Un juif s'approcha et le dénonça au Prophète : J'ai vu Kinâna rôder tous les matins autour de cette maison en ruine.
Vois-tu, Kinâna, lui dit le Prophète, si nous trouvons le trésor chez toi, je te tuerai.
Tu me tueras, mais je n'en sais rien.
Puis le Prophète ordonna de creuser la terre dans la maison en ruine. On y trouva une partie du trésor. Où est le reste du trésor ? demanda le Prophète. Je ne sais pas, répondit Kinâna.
Le Prophète ordonna alors à Zubayr ibn al-'Awwâm de le torturer jusqu'à ce qu'il livre son secret. Zubayr lui brûlait sans cesse la poitrine avec la mèche d'un briquet, mais en vain. Voyant qu'il était à bout de souffle, le Prophète livra Kinâna à Muhammad ibn Maslama, qui lui trancha la tête.

(Ibn Hishâm, Sira, trad. Wahib Atallah, éd. Fayard p. 315-317)