vendredi 31 octobre 2025

Du "chat" des cathares à Halloween...



Suite de...

Jules Michelet (La sorcière,1862) a eu l'intuition que la sorcellerie était liée à des croyances populaires réelles et non à une simple invention. Carlo Ginzburg (Le Sabbat des sorcières, 1989) a ensuite utilisé la méthode historique rigoureuse pour prouver et décortiquer cette intuition, en distinguant clairement les fantasmes des juges des traditions des accusés.

La relation entre Michelet et Ginzburg sur la sorcellerie reflète, d'une autre façon, le débat sur l'étude du catharisme entre l'invention totale (thèse "déconstructiviste") et l'existence d'un substrat culturel réel, tel qu'on le trouve chez des auteurs plus anciens comme Napoléon Peyrat (Histoire des Albigeois, 1870-1872), ou récents, comme Jean Duvernoy (Le catharisme : La Religion des Cathares, 1976).

Ginzburg et les historiens comme Duvernoy (suivant l'intuition de Michelet et Peyrat) partagent la conviction qu'il est possible de dégager, par une lecture critique des sources judiciaires et répressives, la réalité d'un phénomène culturel ou religieux populaire qui a été la cible de la persécution, même si cette réalité est très différente du stéréotype que les persécuteurs ont créé.

Reprenons ce que nous développions précédemment, notant une diabolisation de l’enseignement cathare : "Le diable est le Créateur de la matière" (doctrine cathare) : donc les cathares honorent le diable en tant que créateur du monde (accusation polémique) : si le diable est le Maître du Monde, alors les hérétiques doivent nécessairement lui rendre un culte et l'adorer. Si le diable est un dieu (le Mauvais Principe pour les dyarchiens) et le Créateur du Monde, alors les hérétiques ne font que l'honorer en tant que créateur et maître des choses terrestres. Un culte du diable est mis en scène dans un rite infâme et anti-chrétien (inversion du culte, rejet des sacrements, actes obscènes) et prend la forme d'une adoration d'un animal (le chat-diable : katze / ketzer ; catus / cathari), symbole de la bestialité, de la luxure, et de la matière. Culte que l'on trouve dénoncé concernant les dualistes (i.e. cathares) chez Gautier Map (Nord), Alain de Lille (Occitanie), Conrad de Marbourg (Rhénanie).

Réputés par leur ennemis, sur la base de leur dualisme, "adorateurs du diable", la persécution des cathares va s'étendre à d'autres "adorateurs du diable", les "sorciers" et "sorcières". On les retrouve dès le XIVe s., avant l'explosion des persécutions aux XV-XVIIe s., dans un culte du chat (d'origine anti-cathare) — cf. la reprise du chat noir dans l'imaginaire sur les sorcières — devenant un culte du bouc (renvoyant aux figures des divinités sylvestres, aux faunes, et aux satyres).

Derrière ces dérives, il y a (comme l'a perçu Duvernoy dans la suite de l'intuitif Peyrat) un réel mouvement dualiste pour les cathares ; de même qu'il y a un réel reliquat d’un culte chamanique de Diane pour les sorciers et sorcières (comme l'a perçu Ginzburg dans la suite de l'intuitif Michelet) ; cela derrière l'interprétation paranoïaque qui a tout confondu : les sorcières (daïmoniales) se rendant au sabbat (juif) pour leurs vauderies (vaudoises) ! L'imagination a fait le diabolique, mais n'a pas éliminé le réel duquel elle s'est autorisée, à l'appui des persécutions et de la torture et d'un poids théologique remontant à Antiquité chrétienne, voyant glisser le sens du grec daïmon au terrifiant démon.

Dans le contexte philosophique et culturel grec (avant sa "christianisation" complète), le terme daïmon n'avait pas la connotation forcément maléfique qu'il a prise par la suite. Un daïmon était généralement considéré comme une entité spirituelle intermédiaire entre les dieux et les mortels. Il pouvait être un esprit de héros défunts, une divinité mineure, ou un génie. Il était moralement ambivalent. Il pouvait être un eudemon (bon esprit, d'où le mot "eudémonisme") ou un kakodemon (mauvais esprit). Socrate, par exemple, parlait de son daimonion comme d'une voix intérieure, un signe divin ou une intuition morale.

Dans le judaïsme hellénistique et le Nouveau Testament, les divinités du polythéisme grec sont relues comme des idoles et comme telles des "esprits mauvais" qui égarent l'homme du culte du Dieu unique. Dans les Évangiles (et notamment Marc), le terme daimon et ses dérivés (daimonizomaï – être tourmenté par un démon) sont le plus souvent utilisés de manière interchangeable avec pneumata akatharta – les "esprits impurs". Ces esprits sont la cause de maladies et de souffrances, mais leur rôle principal est d'être des agents d'opposition à la souveraineté et à l'autorité divine, que le Christ et les Apôtres combattent spectaculairement, signe pour la foi qu'ils initient l'avènement du Royaume à venir.

Dans les relectures ultérieures du Nouveau Testament, apparaît au milieu du IIIe s. ce qui correspondra au futur ordre mineur d'exorciste : d'abord informel, comme en témoigne Hippolyte de Rome (dans sa Tradition Apostolique, 215 env. : « Si quelqu'un dit posséder le don d'exorcisme, il ne lui sera pas imposé les mains [il ne sera pas ordonné]. La grâce est pour lui manifeste. » Allusion aux Actes des Apôtres où le don l'Esprit peut suivre ou précéder l'imposition des mains - cf. Ac 11) ; d'abord informel, l'exorcisme comme ministère ordonné sera l'une des étapes préparatoires au baptême pour les catéchumènes. Il ne s'agissait pas de chasser un démon personnel, mais de purifier l'individu de l'emprise générale du péché originel. L'acte symbolisait la rupture avec les anciennes divinités (les daimones) et l'entrée sous la seigneurie du Christ.

Plus tard, en lien avec la conversion de l'Empire romain et la sacerdotalisation du ministère presbytéral, apparaîtra, outre l'ordre mineur d'exorciste (son obligation a été abolie par Paul VI en 1972) un ministère spécial d'exorcisme, relevant du pouvoir épiscopal et toujours en cours, mutatis mutandis, nettement atténué par la prudence — Code de Droit Canonique de 1983, can. 1172).

Mais au Moyen-Âge on n'en est pas à la prudence de 1983, et suite à la publication de la bulle pontificale Super illius specula, émise par Jean XXII vers 1326 ou 1327, on va passer à une autre étape : la bulle assimile les pratiques superstitieuses à l'hérésie. Le pape donne aux inquisiteurs le droit de poursuivre les auteurs de certaines pratiques magiques et d'invocation démoniaque comme des hérétiques — à l'instar des cathares. Hérétiques et donc légalement persécutables.
La bulle fournit le cadre juridique et théologique qui sera repris plus tard (plus d'un siècle après) par les auteurs du Malleus Maleficarum (1486-1487) et par les inquisiteurs qui lanceront la véritable chasse aux sorcières. Elle transforme le sorcier / la sorcière en adorateur du diable, un ennemi bien plus dangereux qu'un simple faiseur de maléfices.

L'idée qu'il s'agit, concernant les accusés, de sorciers, s'appuie sur la traduction latine (maleficus) d'un terme qui dans la Bible hébraïque vise essentiellement l'idolâtrie, et que la Bible des LXX (suivie par le Nouveau Testament) a rendu par pharmakon (que l'on pourrait traduire en termes modernes, pour rendre l'aspect néfaste dénoncé, par "empoisonneur").

Au Moyen Âge, suivant le latin, on a maleficus, ou malefica, traduit en français par sorcier, sorcière (jeteur de sort). Cela en lien avec l'idée de magie, dans une déformation du terme qui désigne d'abord les prêtres zoroastriens de la Perse, perçus positivement chez Matthieu (ch. 2, la visite des Mages). Un glissement ultérieur s'appuie sur le personnage de Simon le Mage (Actes 8, 9 sq.), présenté comme étant aussi douteux, voire charlatan...

Voilà quoiqu'il en soit qui, parlant du pouvoir des jeteurs de sorts, nous parle du pouvoir sur les sorts (avec ceux qui sont censés les jeter) de l'Église hiérarchique romaine, qui va de la sorte jusqu'au monde spirituel, des deux côtés du ciel. Cela fait partie de ce que la Réforme remettra en cause avec les Indulgences, qui disent aussi que l'Église romaine a pouvoir même sur ceux qui sont décédés (l'autre côté du ciel). (L'affichage des 95 de Luther contre les Indulgences est donné le 31 octobre, jour où cet acte fondateur est commémmoré — même date que Halloween : cf. infra.)

La Réforme se basant sur l’Épître aux Hébreux (2, 4), affirmera que ce pouvoir (et les miracles spectaculaires du Nouveau Testament) a cessé avec les Apôtres (ce qui inclut même les exorcismes spéciaux), et vaut aussi pour Marc 16,17-18, où ce qui est annoncé évoque clairement Paul — saisissant les serpents (Actes 28, 3) et maîtrisant les daïmonia (Ac 16, 16) —, mais pas les clercs ultérieurs !

Mais cela ne sera pas suffisant pour que le monde protestant du XVIe abandonne la chasse aux sorcières, non plus que son parallèle catholique, malgré la citation attribuée à Luther, du fait qu'elle cadre parfaitement avec son enseignement : répondant à une personne désespérée croyant avoir vendu son âme au diable, le Réformateur aurait répondu « Ta vente n'est pas valable, car ton âme ne t'appartient pas, elle appartient à Jésus-Christ. » — Luther : « Quand le diable te jette tes péchés à la figure et déclare que tu mérites la mort et l'enfer, dis-lui ceci : "J'admets que je mérite la mort et l'enfer. Qu'importe ? Car je connais Celui qui a souffert et a fait satisfaction à ma place. Il s'appelle Jésus-Christ, Fils de Dieu, et là où Il est, je serai aussi !" »

Cette conviction du Réformateur n'empêche pas qu'au civil (chez lui comme chez Calvin) on admet les théories issues du Moyen Âge tardif parlant de pactes avec le diable, ce qui, à soi seul, malgré l’inefficacité sur les âmes, vaut répression.

D'où la chasse aux sorcières aussi avérée dans le monde protestant que catholique, monde catholique où la fonction d'exorciste s'est maintenue. Elle fera retour dans le protestantisme, mais de façon informelle, dans les mouvements charismatiques et pentecôtistes, risquant un retour à un passé terrible ignoré... Vu la leçon reçue du passé, le côté formel de l'Église catholique permettra à celle-ci (qui n'a pourtant rien abandonné de sa compréhension des choses) de limiter par la suite fortement les dégats.

Avant que les philosophes des Lumières ne remettent en question l'existence même du surnaturel diabolique agissant sur les personnes, des juristes et des penseurs ont utilisé la raison pour dénoncer la méthode judiciaire des procès : côté catholique, des figures comme le jésuite Friedrich Spee (Cautio Criminalis, 1631) n'ont pas nié la possibilité du diable, mais ont utilisé la raison pratique pour déconstruire les aveux. Spee a démontré que les aveux des sorcières étaient illogiques, contradictoires et produits uniquement par la torture. Son argument reposait sur le principe rationnel de la non-fiabilité des preuves obtenues sous la contrainte.
Paradoxalement, les tribunaux de l'Inquisition romaine et de l'Inquisition espagnole ont souvent été plus sceptiques et moins sanglants dans les procès de sorcellerie que les tribunaux civils et épiscopaux locaux, exigeant des preuves plus rigoureuses et rejetant la réalité du sabbat. Cette distinction permet à l'Église de pointer du doigt les abus de l'autorité séculière plutôt que de l'institution ecclésiale centrale.

Chez les Réformés, des théologiens comme le Hollandais Balthasar Bekker (Le Monde Enchanté, 1691) ont appliqué une forme précoce de rationalisme cartésien à la théologie (Bekker emboîte le pas à Johann Weyer qui, dès le XVIe s., avance dans Des prestiges des démons, publié en 1563, que la sorcière est la victime d'une illusion ou d'une maladie, pas une hérétique puissante). En insistant sur l'ordre et la rationalité de la Création de Dieu, il a soutenu que le diable était trop limité pour exercer un pouvoir magique réel, réduisant la sorcellerie à l'illusion ou à l'impossibilité et minant ainsi sa base légale. Le scepticisme poussait à ignorer le pacte démoniaque (l'aspect irrationnel / surnaturel) et à se concentrer uniquement sur le dommage réel et prouvable (le maleficium) ou, selon la lecture que faisait déjà la LXX, l'empoisonnement (crime matériel). Si l'accusation ne tenait que sur des actes illusoires (vol de nuit, sabbat), elle devait être rejetée.

Ce mouvement de la fin du XVIIe siècle a ainsi transformé la question de la sorcellerie, la faisant passer d'une question théologique (le péché d'hérésie / démonolâtrie) à une question juridique et pénale (le crime d'escroquerie, de fraude, ou même d'homicide — où il serait prudent désormais de traduire le vocable biblique, non par "sorcier/sorcière" ou "magicien/ne", mais plus littéralement, comme l'avaient fait la LXX et le Nouveau Testament, par "empoisonneur/euse").

Les Lumières, ensuite, ont simplement codifié et popularisé ces arguments rationalistes et sceptiques, faisant de l'arrêt des procès un principe central de leur programme de réforme — qui vaudra aux Églises un discrédit durable pour un passé terrible, arrière-plan d'une future popularité des sorcières...

*

Le passage des bûchers à la popularité actuelle des sorcières (notamment à Halloween, mais aussi dans la culture populaire moderne) est un fascinant renversement de l'image historiquement négative et terrifiante en une figure festive, puissante et parfois même iconique. Ce cheminement est le résultat d'une réappropriation culturelle progressive. (Cf. en parallèle antécédent, le mythe, christianisé, du Père Noël.)

Le féminisme a réhabilité l'image de la sorcière en transformant le récit de son accusation en celui d'une victime / héroïne : pour de nombreuses féministes, la chasse aux sorcières n'était pas un simple zèle religieux contre le diable, mais une campagne systémique pour contrôler et éliminer les femmes qui échappaient à l'autorité masculine (médecins populaires, sages-femmes, femmes célibataires, veuves). Elle est vue comme le premier grand féminicide de masse de l'ère moderne. Le cri de ralliement "We are the granddaughters of the witches you couldn't burn" (Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n'avez pas réussi à brûler) résume cette réappropriation.

Après la fin des procès de sorcellerie, l'image de la sorcière a migré du tribunal vers la fiction, évoluant en plusieurs étapes : initialement, la sorcière reste une figure de méchante dans le folklore et les contes de fées. Elle est la femme âgée, méchante, qui utilise la magie, i.e. l'empoisonnement, pour nuire : la sorcière moderne se consolide autour de clichés visuels popularisés par la littérature jeunesse et le cinéma : nez crochu, chapeau pointu, balai, chat noir (l'image de la sorcière, par ex. celle de Blanche-Neige, est souvent liée au poison, reprenant la tradition de la LXX — pharmakon). Ces éléments renforcent une figure grotesque et inoffensive, éloignée de la menace sérieuse du pacte démoniaque. À partir des années 1960 et 1970, la sorcière est réhabilitée, le plus souvent sous l'influence des mouvements féministes. Elle devient le symbole de la femme puissante, indépendante, non-conformiste et en accord avec la nature. Des séries télévisées et des romans (comme Ma sorcière bien-aimée ou plus tard Harry Potter) transforment la sorcière de victime ou de méchante en héroïne ou en figure de résistance.

Le rôle de la sorcière à Halloween est central dans sa popularité actuelle : Halloween est lié à la fête celte de Samhain, marquant la frontière entre le monde des vivants et celui des morts. La sorcière, historiquement associée aux rites de la marge entre les deux mondes, à la nuit et au contact avec l'au-delà, s'intègre naturellement à ce thème. Dans le contexte de la fête moderne, la sorcière est une figure de costume qui sert à canaliser la peur de manière ludique et contrôlée. L'image est devenue totalement sécularisée ; elle n'est plus une menace spirituelle ou légale, mais un divertissement. Elle est devenue une icône incontournable, aux côtés des fantômes et des vampires, car elle représente un surnaturel censément non religieux idéal pour une fête moderne. (L'image de la sorcière est devenue un produit culturel très rentable, de la mode aux films pour adolescents, soulignant souvent ses qualités de sagesse, d'autonomie et de connexion mystique.)

Écho médiéval : le chat noir des cathares, le chapeau pointu imposé aux juifs, le sabbat... mais comme symbole de libération ! Effet imprévu des dérives antérieures...

R.P.

mardi 14 octobre 2025

"Relève-toi, va. Ta foi t’a sauvé"

Luc 17, 11-19. Les lépreux sont guéris alors qu'ils sont en route, signe de leur foi. Neuf continuent de faire ce que Jésus a demandé : conformément à la Loi (Lv 14, 2-3), ils vont faire constater leur guérison au prêtre. Le dixième ne le fait pas. On comprend pourquoi au v.16 : “c'était un Samaritain” : difficile d’aller chez le prêtre qui n’est pas du temple de son culte !
Il revient donc sur ses pas, désobéissant à la Loi et à Jésus. Sa désobéissance ne ressemble-t-elle pas à celle qui avait tenté Naamân (2 R 5, 12) ? Les autres ont obéi. Mais c'est lui dont Jésus va dire qu'il a donné gloire à Dieu !
N'ayant rien fait de ce qu'il aurait dû faire, il ne pourra pas s'appuyer sur son faire ! Il n’a plus que sa foi. “Relève-toi, va. Ta foi t’a sauvé.” (v. 19). “Si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même” (2 Ti 2, 13).

(Textes du jour / dimanche 12 oct. 2025 : 2 Rois 5, 14-17 ; Psaume 98 ; 2 Timothée 2, 8-13 ; Luc 17, 11-19)


Psaume 98, str. 2 (trad. Théodore de Bèze 1519-1605 / rév. Roger Chapal 1912-1997)
Dieu fait à son peuple connaître / Sa grâce et sa fidélité ; / Et sa justice va paraître / Devant les peuples assemblés. / Vous qui comptiez sur sa promesse, / Voyez : le Seigneur se souvient ! / Il nous secourt dans sa tendresse, / Il nous relève et nous soutient.




Notre Dieu,
Nous voici devant toi sans rien à nous, pas même notre obéissance. Nous ne pouvons compter que sur toi. Ta parole seule peut nous relever, cette parole que Jésus a prononcée : “relève toi. Ta foi t’a sauvé”.
Puisque l’obéissance nous manque, pour de nombreux prétextes, nous reviendrons à toi pour entendre Jésus nous dire que n’ayant pour nous que ta grâce, c’est à toi seul qu’est la gloire.
Nous recevons dans notre infidélité la promesse renouvelée de ta fidélité, pour que, sauvés par la foi, tu nous relèves en nous mettant sur le chemin de ton écoute, pour une obéissance confiante, fondée en toi seul. Amen…

RP, méditation "Parole pour tous", 12/10/2025

lundi 13 octobre 2025

Un autre discours (2)

Si des textes (Sira et hadiths qui fondent la Sira), datant du temps du califat abbasside, soit deux siècles après l’Hégire, font hélas autorité dans l’islam politique, c’est en oblitérant une autre tradition, plus ancienne, initiée par la figure de Rabia al-Adawiyya de Bassora (env. 713-801), elle-même disciple de Hassan de Bassora (al-Basri), né dix ans seulement après la mort de Mahomet. On connaît Rabia par Attar, qui, lui, écrivait fin XIIe-début XIIIe s. Le fait qu’à cette époque tardive, où c’est devenu inconcevable, il présente Rabia comme une sorte de moniale, avec célibat consacré, témoigne en faveur de l'authenticité de la vie consacrée de celle qui veut imiter son prophète, qui n’a donc rien d’un guerrier ni d’un calife avec harem, contrairement aux califes qui feront appuyer leurs pratiques en les faisant attribuer à un prophète guerrier donné en des textes écrits à leur époque (deux siècles après l’Hégire)…

Le lien d'Hassan et de celle qui a vécu après lui, la plus assoiffée des assoiffés de Dieu, Rabia, est un lien spirituel. Attar nous dit qu'Hassan lui demanda : « "Te marieras-tu un jour ?" Elle répondit : "Le mariage est souhaitable à qui a la possibilité de choisir. Moi je n'ai pas le choix. J'appartiens à mon Seigneur" ». Et c'est Hassan, qui par la plume d'Attar, raconte : « Je passai avec elle une nuit et une journée entières à discuter de la Voie et des Mystères, si bien que nous avions fini par oublier qu'elle était une femme et moi un homme » (Rabi'a al-Adawiyya, trad. Salah Stétié, in Râbi'a de feu et de larmes, Albin Michel, p. 111).



Paul Delvaux – La Fiancée de la Nuit


« "D’où viens-tu ?" lui fut-il demandé. "De l’autre monde – Et où vas-tu ? – Vers l’autre monde – Que fais-tu donc en ce monde ? – Je me ris de lui" – "Comment cela ?"
– "Je mange son pain tout en me consacrant au travail de l’autre monde." »
(Râbi’a al-Adawiyya, ibid., Propos XXVI)

vendredi 10 octobre 2025

Gaza / Israël. Un autre discours

"LIBÉRONS LES PALESTINIENS DE GAZA DU HAMAS" écrit le jeune avocat gazaoui Moumen Al-Natour dans le Wall Street Journal du 8 octobre. On souhaite que ses vœux se réalisent. Texte original ICI.


Traduction française ICI. Cf. texte ci-dessous :

« Deux hommes armés et masqués du Hamas sont venus à la porte de mon appartement de Gaza en juillet et m’ont ordonné de me présenter à l’hôpital al-Shifa pour un interrogatoire ce soir-là. J’avais été actif dans les manifestations anti-Hamas qui avaient éclaté dans toute la bande ce mois-là, appelant le groupe à accepter un cessez-le-feu et à quitter Gaza. Le Hamas considérait les manifestants comme une menace.
Comme dans la plupart des hôpitaux de Gaza, le Hamas maintient une salle de de torture à al-Shifa, dissimulée parmi les services hospitaliers et les blocs opératoires. Je connais cet endroit car j’ai été arrêté par le Hamas à vingt reprises et torturé plus d’une fois. Étant donné la tension croissante dans la bande et la répression brutale du Hamas contre l’opposition, je savais ce que signifiait obéir aux hommes armés : j’aurais de la chance si je m’en sortais avec seulement des os brisés cette nuit-là.
Pendant la guerre, le nombre de dissidents assassinés par les agents de l’unité Arrow du Hamas a fortement augmenté, leurs corps étant jetés dans la rue ou livrés à la porte de leurs familles. À mesure que le Hamas perd le contrôle de Gaza, la violence s’aggrave. Dans les jours et les semaines précédant la visite chez moi, des militants du Hamas ont torturé le journaliste local Ahmed al-Masri pour avoir rejoint les manifestations, lui brisant les pieds et lui tirant dans les jambes, selon les témoignages. Ils ont poignardé à mort l’activiste Uday al-Rubaie et ont jeté son corps du haut d’une tour. Le Hamas est une mafia terroriste qui se nourrit de la peur, et je reconnais que j’étais effrayé cette nuit-là en envisageant mes options. J’ai choisi de tenter ma chance en fuyant la ville, sans savoir où je trouverais sécurité ou abri. Depuis, je suis resté en mouvement, gardant un profil bas et me réfugiant dans des zones qui ne sont plus contrôlées par le Hamas.
Mais au milieu des destructions généralisées, j’ai vu des signes de renouveau. Certains quartiers gèrent désormais eux-mêmes leurs approvisionnements alimentaires et ont rouvert des écoles et des mosquées. Certaines zones se sont même armées pour empêcher le Hamas de revenir et de ramener la guerre avec lui.
À Rafah Est, Khan Younis Est et dans certaines parties du nord de Gaza, les gens peuvent accéder aux soins médicaux et acheter leur nourriture sur les marchés à des prix normaux, plutôt qu’aux tarifs exorbitants pratiqués dans les territoires contrôlés par le Hamas. Seules quelques milliers de personnes vivent dans ces zones plus stables, mais sur les réseaux sociaux, les publications de Gazaouis cherchant à s’y installer pour fuir la guerre sont innombrables. Tout le monde n’y parvient pas : un couple âgé que je connaissais à Gaza a été tué par le Hamas en tentant de fuir vers l’une de ces zones. Ces villes ne devraient pas être une exception — c’est pourquoi le plan de paix en 20 points du président Trump a ravivé l’espoir des Gazaouis d’un avenir plus stable.
La force du plan de M. Trump réside dans la clause 17 : même si le Hamas refuse de signer l’accord, les États-Unis, avec leurs partenaires régionaux, établiront une administration civile indépendante pour gérer les vastes zones de Gaza déjà débarrassées des combattants du Hamas. Un corps de maintien de la paix international composé de forces palestiniennes et arabes soutiendra la nouvelle administration civile, garantissant que le Hamas ne reprenne jamais le contrôle. En retour, Israël retirera ses forces de ces zones.
Il est difficile de surestimer à quel point cela serait révolutionnaire. La population civile pourrait, en relativement peu de temps, vivre en paix sans pénuries dans la grande majorité de Gaza.
Israël ayant déjà accepté le plan de M. Trump, la proposition peut être mise en œuvre dans les zones contrôlées par les Forces de défense israéliennes, même si les dirigeants du Hamas refusent de signer. Mon espoir est que cette guerre se termine par la libération des otages, la fin de la tyrannie du Hamas et la renaissance de Gaza comme lieu ouvert à la paix et à la prospérité. Un jour, je rêve que les Israéliens reviennent à Gaza comme amis et visiteurs, traversant librement une terre qui ne serait plus gouvernée par la terreur. Ce long processus peut commencer aujourd’hui, avec ou sans le consentement du Hamas.
Au nom des Palestiniens que la peur des cachots de torture et de l’unité Arrow a réduit au silence : Monsieur Trump, nous acceptons votre proposition. »

— Moumen Al-Natour est avocat à Gaza et président de la Jeunesse palestinienne pour le développement.

mardi 7 octobre 2025

7 octobre, deux ans après


Le 7 octobre 2023, il y a deux ans, en ce jour saint de Shabbat et de Simhat Torah, les islamistes du mouvement Hamas se sont livrés à un massacre génocidaire d’une barbarie inouïe, en terre d’Israël, transformant ce jour de fête en jour de deuil.

Deux ans après, les fêtes du mois de Tichri 5786 restent marquées par l’angoisse et l’attente de la libération des 48 otages, toujours aux mains des terroristes du Hamas et de leurs complices, et de la fin du calvaire des habitants de Gaza.

La suite ICI / éditorial AJCF octobre 2025

Voir aussi :






Soirée d'hommage aux victimes du 7-Octobre et de soutien aux otages en entier ICI.