samedi 29 avril 2017

"L’élection n’est pas jouée"


Élections présidentielles - Communiqué de la Fédération Protestante de France concernant le second tour
Paris, le 26 avril 2017

La FPF a déjà eu l’occasion de s’exprimer et de communiquer à l’occasion de la campagne présidentielle. L’organisation des rencontres « la politique en vérités » avec les candidats et « l’Adresse » qui leur a été envoyée marquent l’intérêt que porte le protestantisme français au débat qui concerne la société et chacun des citoyens de ce pays.

Il est vrai que la situation d’entre deux tours laisse un grand nombre dans l’insatisfaction et suscite un réel questionnement quant au choix citoyen.

La FPF rappelle toutefois encore aujourd’hui combien ses engagements pourront être entravés en cas de victoire du Front national : la parole en faveur de la liberté religieuse, les actions pour l’accueil des exilés, les œuvres auprès des plus vulnérables, le plaidoyer sur les questions climatiques, et de façon plus générale le projet de promotion de la fraternité dans une société qui a besoin de se rassembler.

A l’approche du deuxième tour, la FPF veut rester vigilante, attester de sa confiance dans la politique et contester tout ce qui mettrait en cause le message de l’évangile. Elle interpelle les citoyens concernant les dangers de l’abstention. […]

*

François Clavairoly, président de la FPF : « L’élection n’est pas jouée »
26 avril 2017 par Frédérick Casadesus | Réforme

François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France (FPF), analyse le scrutin à l’aune des inquiétudes qui furent exprimées par les instances protestantes.

« Comme beaucoup, j’ai remarqué que les instituts de sondages ne se sont pas trompés. Cela montre qu’ils ne projettent pas des “a priori” médiatiques sur leurs enquêtes mais qu’ils sont encore en prise avec la réalité de l’opinion française.

L’engouement de la jeunesse pour la cause politique a marqué : Benoît Hamon, Emmanel Macron et Jean-Luc Mélenchon, tout particulièrement, ont su la mobiliser. Je m’en réjouis parce que c’est une bonne chose que la jeunesse prenne le relais, développe sa propre pensée.

Comme tout le monde l’a vu, la recomposition du paysage politique est en voie d’accomplissement, par l’affaiblissement des deux grands partis de gouvernement. Cela étant posé, la confiance de nos concitoyens va se poser d’abord sur une personne, plutôt que sur un appareil politique. Si la chose est classique, elle prend cette fois-ci un tour particulier qui nous donne une responsabilité supplémentaire.

Les protestants doivent encourager les Français à la vigilance. Nous savons que le parti de Marine Le Pen est structuré de façon verticale et qu’il ne permet pas le débat. C’est une raison supplémentaire pour se méfier comme de la peste de ce parti politique et de cette candidate.

Emmanuel Macron est jeune, il n’est pas dans l’ignorance de la pensée religieuse, puisqu’il a une proximité intellectuelle avec l’un de nos meilleurs penseurs protestants, Paul Ricœur. J’ajouterai qu’il porte une vision ouverte de la nation française, une conception positive de l’Union européenne, ce qui le rapproche encore davantage de nous. […]

*

Chrétiens et démocrates, nous appelons à voter pour Emmanuel Macron

Nous, chrétiens appartenant aux diverses familles du christianisme, profondément attachés à la démocratie et à la liberté, appelons à voter largement et massivement pour Emmanuel Macron le dimanche 7 mai 2017. Notre décision ne relève en aucune manière d’une concession, ou d’un "moindre mal". Le vote pour Emmanuel Macron s’impose que l’on soit d’accord ou pas avec tel aspect de son projet politique parce que le refus de Marine Le Pen s’impose pour des raisons morales et spirituelles sur lesquelles on ne peut transiger.

Nous sommes indignés que Sens commun, la Manif pour tous, le Parti démocrate chrétien, se réclamant explicitement du christianisme, puissent prendre position en faveur de la candidate du Front national. Nous affirmons avec force qu’il s’agit là d’une immense falsification et d’un piège dans lequel nous adjurons, chacune et chacun de ne pas tomber.

La revendication de l’égoïsme national, le refus de l’accueil des étrangers — pour ne prendre que deux points essentiels —, sont aux antipodes de la foi des chrétiens et du message de Jésus. Bien d’autres éléments du programme de Marine Le Pen devraient aussi faire dire à tout chrétien sincère "non possumus". […]



Communiqué de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France au sujet des élections présidentielles
Jacqueline Cuche, Présidente de l’AJCF, 2 mai 2017

L’Amitié Judéo-Chrétienne de France vient de réunir son Assemblée Générale annuelle à Bordeaux les 30 avril et 1er mai. Elle y a réaffirmé sa détermination à combattre toute forme d’antisémitisme et son désir de bâtir des ponts là où se dressaient des murs entre juifs et chrétiens. À la veille d’élections présidentielles dont l’enjeu est dramatique pour notre pays, elle tient à faire la déclaration suivante :

Nous, juifs et chrétiens de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, exprimons avec force notre rejet d’un parti qui prône un repli sur soi nationaliste et dont les principes prennent l’exact contre-pied des valeurs bibliques et de l’esprit de dialogue et de fraternité qui animent nos relations.

Nous disons aussi notre inquiétude de voir nombre de nos concitoyens tentés par l’abstention ou le vote blanc, inefficace rempart contre une victoire de la candidate du Front National, puisque seuls les suffrages exprimés seront pris en compte pour l’élection de notre futur président.

Rappelant les impératifs bibliques de l’amour du prochain mais aussi de l’étranger (« tu l’aimeras comme toi-même, car tu as été étranger au pays d’Egypte » (Lv 19, 34) l’Amitié Judéo-Chrétienne de France exprime l’espoir de voir se rétablir, dans notre société des relations apaisées fondées sur la bienveillance et la fraternité. […]

Voir aussi les déclarations de l'archevêque de Poitiers (ici et ici) et du Grand rabbin de France

jeudi 27 avril 2017

Au nom de ce qui vient


Dure amande
République de la douleur
je n’ai rien fait sinon
serrer le poing

Au nom de ce qui vient
de ce qui est sûr
pardon


Max-Pol Fouchet, Prise de Barcelone

"Ce poème, écrit le 14 janvier 1939, lorsque Barcelone fut prise par les militaires franquistes, je le dédie aujourd’hui à ceux qui subissent, dans une guerre aussi injuste, la torture en Algérie."
Max-Pol Fouchet (1961)

mercredi 26 avril 2017

Liturgie cosmique


« Alors Ohrmazd chante la strophe Ahuvar, et l'incantation sonore ébranlant l'espace intermédiaire de la rencontre, Ahriman retombe terrassé au fond de ses Ténèbres où il reste prostré pendant trois millénaires […]. Or, nous avons appris que l'archétype céleste de la strophe sacrée Ahuvar est "en personne" le Temps d'Ohrmazd et sa Sagesse éternelle. Le Temps est donc bien le médiateur de la défaite d'Ahriman.
[…] Que la strophe sacrée d'une liturgie éternelle intérieure à Ohrmazd soit "en personne" le Temps, instrument de la ruine des Démoniaques, cela définit également l'être essentiellement liturgique de ce Temps. L'œuvre de la Création et l'œuvre de la Rédemption constituent d'un terme à l'autre une Liturgie cosmique. C'est en célébrant la liturgie céleste qu'Ohrmazd et ses Archanges instaurent la Création tout entière, et notamment éveillent à l'individualité, à la conscience différenciée de leur moi perdurable, les Fravartis, à la fois prototypes célestes et Anges tutélaires des humains. Et c'est par la célébration des Cinq liturgies du nycthémère que le dernier Saoshyant accomplira la Résurrection. » (Henry Corbin, Temps cyclique et gnose ismaélienne, Berg, p. 18-19.)

mardi 25 avril 2017

Angélologie et physique céleste


« Avicenne semble avoir longuement hésité sur la structure angélologique qu'il convenait de déduire a posteriori des données astronomiques : que l'on adoptât la physique céleste d’Aristote ou la théorie de Ptolémée, fallait-il admettre dix Intelligences sans plus ? ou bien, avec Aristote, un peu plus de cinquante [cf. Averroès : cinquante-cinq] selon le nombre d'orbes secondaires requis pour expliquer l'irrégularité des mouvements des planètes ?
[…] Sohrawardî formule le pressentiment que même par-delà le "Ciel des Fixes" foisonnent d’autres univers encore plus merveilleux. L'angélologie dont son intuition saisit a priori la nécessité, eût pu être à la mesure des dimensions vertigineuses calculées par l'astronomie moderne, à l'inverse de ce qui s'est passé lors de la "révolution astronomique" en Occident, qui élimina l'angélogogie. » (Henry Corbin, En islam iranien II, Tel/Gallimard, p. 120.)

lundi 24 avril 2017

Idée et Matière, Lumière et Ténèbres


« Il faut se garder de réduire le contraste [du mazdéisme zoroastrien entre monde céleste (pehlevi : mênôk) et monde terrestre (pehlevi : gêtîk) à un schéma platonicien tout court. Il ne s'agit exactement ni d'une opposition entre Idée et Matière, ni entre universel et sensible [mais entre un] état céleste, invisible, subtil, spirituel, mais parfaitement concret [et] un état terrestre, visible, matériel certes, mais d'une matière qui en soi est toute lumineuse, matière immatérielle par rapport à ce que nous connaissons en fait. Car […] le transfert à [cet état terrestre] ne signifie nullement par soi-même une déchéance, mais achèvement et plénitude. L'état d'infirmité, de moins d'être et de ténèbres que représente la condition actuelle du monde matériel, tient non pas à sa condition matérielle comme telle, mais au fait qu'il soit la zone d'invasion des Contre-Puissances démoniaques, le théâtre et l'enjeu de la lutte. L’étranger à cette Création n'est pas ici le Dieu de Lumière, mais le Principe de Ténèbres. La rédemption fera éclore […] le "corps à venir", corpus resurrectionis […]. » (Henry Corbin, Temps cyclique et gnose ismaélienne, Berg, p. 12-13.)

vendredi 14 avril 2017

Vendredi saint, "comme l’épouse unie à l’époux"


« La foi unit l’âme à Christ comme l’épouse est unie à l’époux. Par ce mystère, dit l’apôtre Paul, Christ et l’âme deviennent une seule chair. Une seule chair : s’il en est ainsi et s’il s’agit entre eux d’un vrai mariage, et, plus encore, d’un mariage consommé infiniment plus parfait que tous les autres – les mariages entre humains ne sont que de pâles images de cet exemple unique – il s’ensuit que tout ce qui leur appartient constitue désormais une possession commune, tant les biens que les maux. Ainsi, tout ce que Christ possède, l’âme fidèle peut s’en prévaloir et s’en glorifier comme de son bien propre, et tout ce qui est à l’âme, Christ se l’arroge et le fait sien. Christ est plénitude de grâce, de vie et de salut : l’âme ne possède que ses péchés, la mort et la condamnation. Qu’intervienne la foi et, voici, Christ prend à lui les péchés, la mort et l’enfer ; à l’âme en revanche sont donnés la grâce, la vie et le salut. Car il faut bien que Christ, s’il est l’époux, accepte tout ce qui appartient à l’épouse et, tout à la fois, qu’il fasse part à l’épouse de tout ce qu’il possède lui-même. Qui donne son propre corps et se donne lui-même, comment ne donnerait-il pas en même temps tout ce qui lui appartient ? Et comment celui qui prend le corps de l’épouse ne prendrait-il pas tout ce qui appartient à l’épouse ?

Mais voici déjà que se présente à nous le plus émouvant des spectacles. Il ne s’agit plus seulement de communion mais d’un combat salutaire, de victoire, de salut et de rédemption. Dieu et homme tout à la fois et, comme tel, au-dessus du péché, de la mort et de la damnation, Christ est invincible, éternel et tout-puissant, et, avec lui, sa justice, sa vie et son pouvoir de salut. Or, c’est lui qui, en vertu des noces de la foi, prend sa part des péchés, de la mort et de l’enfer de l’épouse. Que dis-je ? Il les fait entièrement siens, comme s’ils étaient vraiment à lui et qu’il avait péché. Il souffre, il meurt, il descend en enfer : mais c’est pour tout surmonter. Car ni le péché, ni la mort ni l’enfer ne pouvaient l’engloutir et c’est lui qui, dans un prodigieux combat, devait les anéantir. Car sa justice est plus haute que les péchés du monde entier, sa vie est plus puissante que toute la mort et son salut est plus invincible que les profondeurs de l’enfer. Ainsi, par les arrhes de la foi en Christ, son époux, l’âme fidèle est affranchie de tout péché, à l’abri de la mort et assurée contre l’enfer, gratifiée de la justice éternelle, de la vie et du salut de Christ, son époux. »


Martin Luther, Traité de la liberté chrétienne