mercredi 29 mai 2024

Face à la défaite médiatique



Aujourd’hui, à Gaza, le visage de l’autre sombre… La stratégie inhumaine du Hamas l’a emporté, a piégé Israël. Les terroristes ont bâti leur inaccessibilité de telle sorte que n’apparaissent plus que des civils mutilés par les bombes, affamés, vision d’horreur médiatiquement démultipliée. Israël doit se rendre au réel de la défaite médiatique, sauf à faire de la parole de Jankélévitch une atroce prophétie : « L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. » (Vladimir Jankélévitch, L’Imprescriptible, 1965)

Une guerre contre un fascisme extrême ne se gagne pas que militairement. Aujourd’hui, elle se perd militairement quand les armes n’ont plus que la puissance, en regard de la monstruosité de la souffrance subie par les civils otages et boucliers du Hamas, de transformer inéluctablement les vainqueurs en bourreaux, vus comme génocidaires intentionnels. Israël doit à présent se mettre face au réel et admettre sa défaite médiatique, car c’est une défaite… sachant que l’heure est venue pour lui de soigner, entrant dans une autre lutte, pour une autre victoire, celle de l’humain contre l’inhumain, celle d'une toute nouvelle reconnaissance de l'autre.

Le conflit mondial contre les nouveaux totalitarismes sera sans doute long. Il ne se gagnera pas par les moyens des terroristes. Mais par un refus radical de leur ressembler. L’heure est au retour sur soi, techouva, changement d'optique.



King Crimson - Requiem

Cf. ICI : De 1492 au 7 octobre 2023 et suites

RP, 7 mars 2024

mercredi 15 mai 2024

Anachronique...



Un ami m'envoie un livre : Antisionisme, une histoire juive...

Les développements historiques de ce livre (voulant montrer que l'antisionisme est d'abord juif) sont utiles pour... justifier le sionisme !, à condition de corriger le vocabulaire, à commencer par celui du titre ("antisionisme...") ! L'emploi anachronique du mot "antisionisme" est-il honnête ? Cf. la citation ci-dessous (p. 20) : la traduction de l'allemand est fausse : le mot "antisionisme" n'est pas dans l'allemand, comme à aucun moment d'alors quant à l'usage du terme. Les supposés "antisionistes" du début du XXe siècle, ne se ralliant pas ou s'opposant à Herzl, sont simplement non-sionistes (pas d'usage du mot "antisionisme", inventé par Staline à l’occasion du complot des blouses blanches pour ne pas être taxé d'antisémitisme). Les effets de l'antisémitisme européen, culminant dans le nazisme et la Shoah, ont hélas donné raison à Herzl contre tous les non-sionistes jusque là en effet majoritaires. Et à présent, le projet sioniste ayant abouti : l'Etat d'Israël, que peut vouloir dire "antisionisme", sinon son démantèlement - pour imaginer quoi concernant les sept millions de juifs israéliens ? Imaginer un autre fonctionnement de la relation actuelle (catastrophique) avec les Palestiniens (deux Etats, un Etat binational, une fédération, etc.) n'est pas "antisioniste", sauf à imaginer la disparition, un exil ?, vu la réalité des choses, des juifs de la région... qui seraient accueillis dans lequel des pays du monde (avec le même enthousiasme que dans les années 1930-1940, et même après guerre, quand se fermaient les portes aux persécutés du nazisme ?) - à notre époque où monte un néo-antisémitisme se revendiquant antisioniste ?...

Autre anachronisme : parler, à propos des évangéliques pré-sionistes du XVIIe s., d'antisémitisme, mot référant à la racisation "scientifique" des juifs, qui ne sera inventé que deux siècles plus tard, avec la mise en place de la chose...



jeudi 9 mai 2024

"Le néo-antisémitisme se répand d’une manière presque désinvolte"



Extraits d'un article de Grégory Solari, théologien et philosophe, publié sur La Croix le 07/05/2024. Article complet sur La Croix.


"Il n’a fallu que quelques jours pour que la victime devienne le bourreau. L’espace nécessaire pour que le tissu de représentations qui s’attachent au nom « Israël » précipite presque naturellement l’inversion de la perspective. Depuis lors, rien, ni l’étendue des massacres du 7 octobre, ni leur nature, pour ne rien dire des otages encore détenus, aucun argument ne vient modifier cette inversion lexicale.

Dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans les campus, Israël se réduit aujourd’hui à un oxymore cumulant en un seul mot ce qui permet de passer presque sans transition de la compassion à la condamnation (« génocide »), sans scrupule, ou très peu, pour l’insulte que constitue ce glissement. Avec la bonne conscience d’un imaginaire [...] qui constitue le geste caractéristique du néo-antisémitisme depuis 1948, à savoir : jouer Israël contre le peuple juif.

Dissociation factice, mais commode, puisqu’elle permet depuis six mois de temporiser face à la montée croissante de la violence à l’endroit de tout ce qui se rattache fantasmatiquement au sionisme [...] rejoué sur la scène académique, [...] occupation relayée au même moment par un appel au boycott des institutions universitaires israéliennes [...] coïncid[ant] symboliquement avec le jour commémoratif de la Shoah (5 mai). C’est-à-dire avec l’événement qui a poussé les survivants des camps devenus apatrides et malvenus partout, ou presque, à la constitution de l’État hébreu.

Un refuge [...]
Comme l’écrit Emmanuel Levinas dans
Politique après ! (qu’il faut relire urgemment aujourd’hui), « le sionisme, prétendument pure doctrine politique, porte au plus profond de son être l’image renversée d’une certaine universalité et en est aussi le redressement. Cette écharde dans la chair n’est pas un droit à la pitié. C’est la mesure de l’étrange fermeté d’une intériorité, c’est-à-dire d’un manque d’appui dans le monde, de l’absence de toute “position de repli préparée à l’avance” et de toute issue. D’un dernier retranchement.
Telle est la terre même qu’Israël possède dans son État. L’effort de la bâtir et de la défendre se tend sous la contestation et la menace permanente et croissante de tous les voisins. État dont l’existence reste en question dans tout ce qui en constitue l’essence ; alors que la terre des nations politiques est toujours le fameux “fond qui manque le moins” et qui reste quand tout est perdu. Terre qui, pour Israël, est enjeu ou impasse. »

Chair d’Israël
Ce « fond » qui peut venir « à manquer », c’est non une terre. C’est la chair d’Israël – la réserve d’humanité dont le régime nazi a voulu priver le peuple juif. Comme l’idéologie du Hamas après lui (faut-il rappeler que parmi les otages détenus à Gaza figurent des survivants des camps ?).

Sous ce jour, la coïncidence avec le Yom Hashoah rend d’autant plus indécente mais hélas significative l’occupation des locaux de la faculté de science politique [...]. C’est ainsi, l’air de rien à l’air du rien (nihilisme), que se répand le néo-antisémitisme. De manière presque désinvolte, comme on répand une rumeur impossible à vérifier, dans les campus et dans les rues – une idée toxique empêchant de voir clair ou de penser, et peut-être bientôt de respirer."




mercredi 1 mai 2024

Psaume 90


Prière de Moïse, homme de Dieu.

‭Avant que les montagnes fussent nées, Et que tu eusses créé la terre et le monde, D’éternité en éternité tu es Dieu.‭

Tu fais rentrer les hommes dans la poussière, Et tu dis : Fils de l’homme, retournez !‭

‭Car mille ans sont, à tes yeux, Comme le jour d’hier, quand il n’est plus, Et comme une veille de la nuit.‭

‭Tu les emportes, semblables à un songe, Qui, le matin, passe comme l’herbe :‭

‭Elle fleurit le matin, et elle passe, On la coupe le soir, et elle sèche.‭

‭Nous sommes consumés par ta colère, Et ta fureur nous épouvante.‭

‭Tu mets devant toi nos iniquités, Et à la lumière de ta face nos fautes cachées.‭

Tous nos jours disparaissent par ton courroux ; Nous voyons nos années s’évanouir comme un son.‭

‭Les jours de nos années s’élèvent à soixante-dix ans, Et, pour les plus robustes, à quatre-vingts ans ; Et l’orgueil qu’ils en tirent n’est que peine et misère, Car il passe vite, et nous nous envolons.‭

‭Qui prend garde à la force de ta colère, Et à ton courroux, selon la crainte qui t’est due ?‭

Enseigne-nous à bien compter nos jours, Afin que nous appliquions notre cœur à la sagesse.

Reviens, Éternel ! Jusques à quand ?… Aie pitié de tes serviteurs !‭

‭Rassasie-nous chaque matin de ta bonté, Et nous serons toute notre vie dans la joie et l’allégresse.‭

‭Réjouis-nous autant de jours que tu nous as humiliés, Autant d’années que nous avons vu le malheur.‭

Que ton œuvre se manifeste à tes serviteurs, Et ta gloire sur leurs enfants !‭

Que la grâce de l’Éternel, notre Dieu, soit sur nous ! Affermis l’ouvrage de nos mains, Oui, affermis l’ouvrage de nos mains !


(Ps 90, 1-17, trad. lsg)