mercredi 26 octobre 2022

Le mal, le hasard et le Dieu de lumière


Photo de J.-L. Gasc : « cité de Carcassonne, en mémoire de René Nelli »


Réflexions de René Nelli sur le mal, le hasard et le Dieu "en qui il n'y a point de ténèbres" (1 Jn 1, 5)

Source : FB de Michel Jas

René Nelli en 1970 : Journal spirituel d’un cathare d’aujourd’hui

R. Nelli : « Le manichéisme est la (seule) religion qui a osé faire une place privilégiée (…) au hasard parfait, au chaos, à l’absence absolue d’intelligibilité et par conséquent, au Mal qui, s’il était tant soi peu intelligible, ne serait pas le Mal. A tout cela il a donné un principe obscur, mais éternel, obligeant ainsi le vrai Dieu à quitter ce monde pour devenir transcendant. C’est par hasard, disent les mythes manichéens, que les ténèbres sont entrées en contact avec la lumière et qu’elles l’ont partiellement dévorée. L’organisation de l’univers a eu pour point de départ une aventure contingente, que rien ne peut expliquer, au cours de laquelle le Hasard s’est révélé opposé à l’Ordre, sans réussir cependant à le ruiner absolument. Il n’a abouti qu’à forcer l’anti-hasard à manifester sa Toute-présence » p.79
« Le manichéisme n’est pas un dithéisme, mais un athéisme juxtaposé à un théisme. Pour lui, le hasard, bien qu’il ne puisse pas s’imposer de façon absolue à toute manifestation, en raison de la présence de l’anti-hasard, fait sentir ses effets sur la totalité de se qui existe, et cela, éternellement –ou plutôt indéfiniment – et il parvient même à construire des structures relativement stables, à édifier un semblant d’ordre, grâce à l’indéfini où il se meut et à la durée toujours renaissante et toujours reconduite où il exerce son activité sans cause. » p. 84-85
« On sait que le dualisme manichéen n’oppose pas seulement le Hasard à l’Anti-hasard, mais aussi le chaos à la structure, la contingence à la nécessité, la ‘matière’ (ce que nous ne pouvons saisir, telle qu’elle est ou n’est pas, ni par les sens ni par la pensée , puisqu’elle est recréation perpétuelle, commencement absolu, et dans son devenir, négation de toute cause) à l’esprit ; le temps enfin, à l’Eternité. A tous les degrés de l’Apparition, on trouve ce même déchirement de l’être, cet antagonisme de l’être et du néant. ‘Geste, parole, existence, écrivait Joë Bousquet, toute présence s’associe son absence, et sa manifestation est au prix de cette contradiction.’ » p. 86
« Pour Mani (qui s’inspirait d’ailleurs de Platon), le Mal ‘aimant le désordre et la difformité, résulte d’un principe aveugle inhérent à la matière informe (…) Deux natures irréductibles l’une à l’autre… » p.87

… Un temps des temps et la moitié d'un temps…

lundi 17 octobre 2022

Chute de l'esprit (2)

« Une chrétienté prêchant l'amour du prochain n'a pourtant pas protesté immédiatement contre l'esclavage, la torture, les procès en sorcellerie, toutes sortes d'atrocités qu'elle a non seulement cautionnées, mais commises. […] "Ce souvenir devrait […] défendre à jamais [le christianisme] de toute arrogance […]". » (Laurent Gagnebin, Albert Schweitzer, DDB, 1999, p. 113 - cit. Schweitzer, Ma vie et ma pensée, Albin Michel, 1966, p. 261)




« Quant à nous, nous avons abandonné l’illusion que la religion vivante puisse découler logiquement de la connaissance du monde. Nous avons la certitude que le monde ne peut amener à la connaissance de Dieu, qui est personnalité morale. Nous regardons en face la terrible énigme que le monde représente pour nous et nous luttons pour ne point douter de Dieu. Nous osons avouer que les forces agissant dans le monde sont à bien des égards fort différentes de celles que nous attendrions de la part d’un Créateur bon et parfait. Nous osons avouer que maints aspects de la nature et de nous-mêmes s’imposent à nous comme quelque chose de mauvais. Nous sommes […] profondément conscients que Dieu ne peut être saisi par l’intelligence, mais bien par la foi qui dit : "malgré tout, je m’attache à toi”. » (Albert Schweitzer, Les religions mondiales et le christianisme, L’Âge d’Homme, 1975, p. 48-49)

samedi 15 octobre 2022

Chute de… l'esprit

Albert Schweitzer : « Lorsque nous pardonnons à nos ennemis, nous nous glorifions de notre grandeur d'âme ; quand nous rendons service à celui qui a besoin de nous, nous admirons notre générosité. » (Vivre, Albin Michel, 1995, p. 162)

« Dans sa lecture critique de la civilisation, on peut repérer cinq traits principaux caractérisant, d'après [Schweitzer], sa faillite.
Premièrement, l'asservissement de l'homme moderne qui se trouve victime d'une tragique aliénation et qui ne connaît plus de véritable indépendance personnelle […].
Deuxièmement, le surmenage, où le travail est vu sous l'angle du seul rendement, interdisant tout recueillement et toute concentration de l'esprit.
Troisièmement, une spécialisation à outrance avec des êtres humains morcelés, en quelque sorte, divisés en eux-mêmes et cloisonnés, dont, dans le respect total de la personne, on ne promeut pas l'élan créateur et artistique.
Quatrièmement, une déshumanisation de l'être humain de plus en plus gagné par l'indifférence aux autres, une sorte de froideur, d'insensibilité, de perte de l'esprit humanitaire.
Cinquièmement, enfin, une organisation, qui nous domine et nous échappe, de la société avec le règne totalitaire de l'administration, des intérêts économiques, du collectif : “Autrefois la société portait les individus, aujourd'hui elle les écrase.” » (Laurent Gagnebin, Albert Schweitzer, DDB, 1999, p. 69-70 - cit. Schweitzer, La civilisation et l'éthique, Colmar, 1976, p. 52)




« Quelle est la cause d'une telle situation ? Schweitzer ne se lasse pas de le démontrer et de le répéter : il s'agit d'un vide, d'un refus, d'une perte, d'une chute de… l'esprit. » (Gagnebin, ibid., p. 70)

jeudi 6 octobre 2022

Iran