jeudi 17 juillet 2025

Sur la dépigmentation des Sapiens européens



Inconsistance du racisme mélanophobe en regard des acquis des analyses ADN récentes de nos ancêtres finalement très proches de nous dans le temps. Sortis d’Afrique il y a 50 000 à 45 000 ans env., les Sapiens arrivés au Proche-Orient, au Maghreb et en Europe étaient “noirs”, de la même couleur de peau que leurs congénères africains sud-sahariens, cela jusqu’à tout récemment. Le racisme mélanophobe, apparu quelques brefs siècles après le “blanchissement” des ex-Africains (racisme consécutif aux déportations esclavagistes trans-sahariennes et trans-atlantiques), prend une nette allure d'absurdité, une façon de mépris de ses propres parents ! Autre façon de réponse à la question du légiste à Jésus : “Qui est mon prochain ?” (Luc 10, 25-37)

La dépigmentation, le “blanchissement” tardif des Sapiens non-sud-sahariens, fait référence au phénomène selon lequel les premiers Homo sapiens arrivés en Europe il y a environ 45 000 ans ne possédaient pas encore les adaptations génétiques, telles que la peau claire, que l’on observe actuellement chez la majorité des Européens modernes. Selon les données génétiques et archéologiques, la dépigmentation de la peau est un phénomène relativement récent à l’échelle de l’histoire humaine. Les analyses montrent que les premiers Homo sapiens arrivés en Europe (il y a env. 45 000 ans) avaient une peau foncée, et que la majorité des populations non-sud-sahariennes sont restées à peau foncée jusqu’à une période relativement récente. Par exemple, il y a 9 000 à 10 000 ans, des individus comme l'homme de Cheddar (dans l’Angleterre actuelle) avaient la peau foncée.

Les premiers Homo sapiens européens présentaient une pigmentation foncée, similaire à celle présente en Afrique d’où ils venaient : les allèles associés à une peau claire ne sont devenus majoritaires dans les populations européennes qu’à une période beaucoup plus tardive, notamment après la révolution néolithique et l'arrivée d'agriculteurs venus du Proche-Orient. Ce processus s'est produit il y a environ 8 000 à 7 000 ans pour certains allèles majeurs, bien après la première arrivée de notre espèce sur le continent.

La date de “blanchissement”, de la perte de la mélanine des Sapiens européens, est aujourd'hui connue grâce à l'analyse de l'ADN ancien extrait de restes humains, combinée à des méthodes de datation comme le carbone 14. Les généticiens recherchent particulièrement la présence de gènes liés à la pigmentation claire (notamment les variantes des gènes SLC24A5, SLC45A2 et HERC2) dans les squelettes préhistoriques.

Les gènes associés à la peau claire sont apparus et ont été détectés principalement grâce à l’ADN datant du Néolithique (moins de 10 000 ans) et se sont répandus lors de diverses vagues migratoires, notamment avec l'arrivée des agriculteurs venus d’Anatolie (il y a env. 10 000 ans) et, plus encore, avec les migrations des éleveurs Yamnaya, un peuple de pasteurs cavaliers originaires des steppes au nord de la mer Noire, dans les actuelles Russie et Ukraine, qui ont migré massivement vers l’Europe il y a environ 4 800 à 5 000 ans. Ils sont aujourd'hui reconnus comme l’un des groupes ayant contribué de façon majeure à la formation génétique des Européens modernes.

Leur arrivée en Europe occidentale a constitué une des plus grandes migrations préhistoriques, entraînant un remaniement majeur du patrimoine génétique européen. On estime que, dans certaines populations du nord-ouest de l’Europe (comme les Norvégiens, Écossais, Irlandais, Islandais), l'ADN Yamnaya compose jusqu’à 50% de l’ascendance actuelle, et environ un tiers chez les Français.

Du point de vue physique, les études génétiques de restes Yamnaya montrent qu'ils avaient généralement les yeux marron, les cheveux foncés et une peau plus claire que celle des chasseurs-cueilleurs mésolithiques européens, mais plus foncée que celle des Européens du nord actuels. Les Yamnaya ont également contribué, via la diffusion de certains gènes, au développement de la peau plus claire et de certains traits comme des yeux plus clairs chez les Européens modernes — mais eux-mêmes n’étaient généralement pas blonds ni aux yeux bleus.

Les études récentes sur des centaines d'individus anciens estiment que la peau claire ne devient dominante en Europe qu’entre le Bronze et l’âge du Fer, soit entre environ 4 000 et 2 000 ans avant aujourd’hui. Encore il y a 5 000 ans, une majorité d’Européens avaient la peau intermédiaire à foncée.

Cela s’appuie donc :
- sur l’analyse de la fréquence des allèles responsables de la dépigmentation chez des individus datés précisément,
- la corrélation entre ces fréquences génétiques et l’âge des restes humains,
- la comparaison des phénotypes reconstitués sur plusieurs millénaires.

On connaît donc la date du “blanchissement” grâce au séquençage de l’ADN ancien et à l’identification des gènes de la dépigmentation sur des os ou dents datés. Ce processus s’est fait progressivement, devenant majoritaire seulement il y a entre 4 000 et 2 000 ans.

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La dépigmentation progressive de la peau des populations européennes (y compris après l’arrivée des Yamnaya) est directement liée à la synthèse de la vitamine D. Dans les régions au faible ensoleillement comme l’Europe du Nord, une peau claire permet d’absorber plus de rayons UVB, favorisant la transformation du 7-déhydrocholestérol en vitamine D dans la peau.

Chez les premiers Homo sapiens d’Europe, la consommation abondante de poissons et de gibier riches en vitamine D permettait à la peau foncée de persister, car l’alimentation compensait le manque d’ensoleillement — la mélanine protégeant au contraire du trop vif rayonnement en UV des régions très ensoleillées. Le besoin évolutif d’avoir une peau claire n’était donc pas pressant tant que le régime alimentaire assurait un bon apport en vitamine D.

Le tournant s’opère avec l’avènement de l’agriculture, il y a environ 8 000 à 6 000 ans, lorsque l’alimentation devient principalement basée sur des céréales très pauvres en vitamine D. Cette modification majeure du régime a créé une pression sélective en faveur des individus capables de synthétiser plus efficacement la vitamine D à partir de la lumière solaire, donc en faveur des porteurs de gènes de dépigmentation (tels que SLC24A5 et SLC45A2).

C’est pourquoi, après l’arrivée de nouvelles populations comme les Yamnaya (qui ont introduit ou accru certains allèles de dépigmentation), la peau claire devient progressivement dominante : la sélection naturelle privilégie ceux qui peuvent mieux synthétiser cette vitamine essentielle, particulièrement dans les zones les moins ensoleillées.

En résumé, l’adaptation à la carence en vitamine D explique en grande partie pourquoi la sélection de la peau claire s’est accentuée en Europe, surtout après des changements alimentaires et migratoires majeurs.

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Et les Gaulois ? L’arrivée des Celtes en Europe occidentale et leur expansion sont des processus étalés dans le temps et l’espace, différant selon les régions. Elle se déroule principalement entre 1200 et 400 av. J.-C., avec une diffusion maximale de leurs traditions et langues à la fin de l’âge du fer, avant le déclin progressif lié à la conquête romaine.

Les données génétiques récentes indiquent que les premiers Celtes avaient pour la plupart une peau intermédiaire à foncée comparée aux Européens du Nord actuels. Selon une étude publiée en 2025 analysant l’ADN de 348 individus anciens, la majorité des Européens avaient encore une peau foncée il y a seulement 3 000 ans, soit à l’époque de l’expansion celtique en Europe.

Il ressort de ces analyses que la pigmentation claire ne devient vraiment dominante qu’à l’âge du Fer, avec de fortes variations régionales. Au moment de la migration celtique, l’écrasante majorité des populations (y compris celtiques) possédaient encore une peau relativement sombre ou intermédiaire.

Seule une minorité présentait déjà une peau très claire : l’étude parle de 8% d’individus avec une pigmentation claire il y a 3 000 ans. Les populations du nord et du centre de l’Europe commencent alors à voir progresser les allèles de dépigmentation. La généralisation de la peau claire a donc été progressive et postérieure à l’expansion celtique ; ce n’est qu’aux plus récentes phases de l’âge du Fer que la majorité dans le nord de l’Europe devient à peau claire, tandis que la diversité de pigmentation persiste au sud et à l’ouest.

Concernant les stéréotypes historiques attribuant une chevelure rousse ou blonde aux Gaulois, au temps des premiers Celtes, la majorité avait une peau foncée à intermédiaire, bien plus sombre que celle des Européens du Nord actuels, avec une très faible proportion de peau claire, même si des mutations responsables de cheveux clairs étaient probablement présentes à faible fréquence dans certaines populations. Ce n’est que plus tard, sous l’influence des migrations et de la sélection naturelle, que la pigmentation claire s’est répandue en Europe du nord et centrale.

Finalement, selon une étude génétique récente, ce n'est qu’au IIIᵉ ou Vᵉ siècle après J.-C. que plus de la moitié de la population européenne acquiert une peau claire, marquant une transition lente et tardive dans l’histoire du continent. Au IIIᵉ siècle et au début du IVᵉ siècle, la majorité des Européens gardaient une pigmentation foncée, surtout dans le sud et l’ouest. Si le processus s’est fait progressivement, devenant majoritaire seulement il y a entre 4 000 et 2 000 ans, ce n’est donc que vers le IIIᵉ et Vᵉ siècle après J.-C. que la peau claire a commencé à se généraliser en Europe, principalement au nord et à l’est, tandis que le sud restait encore largement foncé.


(Cf.
- Jean-Paul Demoule, La préhistoire en 100 questions, Tallandier 2023
- Claudine Cohen, Femmes de la préhistoire, Tallandier 2021
- Jean-Jacques Hublin, La tyrannie du cerveau, Robert Laffont 2024
- Silvana Condemi, Néandertal à la plage, Dunod 2024
- Perplexity.ai)


1 commentaire:

  1. Jean-Paul Sanfourche17 juillet 2025 à 22:00

    Nous en avions parlé hier, et je découvre ce texte éclairant aujourd’hui. J’avoue avoir appris beaucoup. Les acquis de la génétique moderne « déconstruisent » l’absurdité historique du racisme. La notion de race n’ayant aucune assise biologique. La science montre ce que nous savions intuitivement : ce qui uni les êtres n’est pas seulement philosophique ou spirituel, mais aussi génétique. Que les préjugés qui déchirent encore nos sociétés sont inconsistants, servant les idéologies les plus abjectes !

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