lundi 8 janvier 2024

Le 7 octobre et la théologie de la substitution



Le pogrom du 7 octobre n’est pas sans lien avec la théologie de la substitution en islam. Comme le christianisme a considéré unanimement jusqu'à il y a peu que l'Église aurait été substituée à Israël — c'est ce que l'on appelle à présent "théologie de la substitution" —, mutatis mutandis, l'islam a fait de même, considérant s'être substitué au judaïsme et au christianisme (ce qui fonde le statut de dhimmi et implique l'impossibilité, entre autres, d'un État juif souverain sur une terre revendiquée "musulmane"). Comme on apprend actuellement en christianisme à lire les Évangiles dans leur contexte juif (suite à Jules Isaac et à son Jésus et Israël) et non à partir du christianisme constitué par la suite, l'islam devra apprendre à lire le Coran dans son cadre historique initial (c'est la méthode proposée par Le Coran des historiens). Ainsi on doit pouvoir lire la guerrière (apparemment) Sourate 9 du Coran non à l’aune de textes tardifs comme la Sira d’Ibn Hichâm ou de hadiths guerriers et tardifs, mais en regard du contexte judéo-chrétien de l’islam en gestation…

Ibn Hichâm écrit : « […] le Prophète ordonna de tuer tous les hommes des Banu Quraydha [tribu juive], et même les jeunes […].
Le Prophète ordonna de faire descendre de leurs fortins les Banû Quraydha et de les enfermer dans la maison de Bint al-Hârith. Il alla ensuite sur la place du marché de Médine, la même que celle d'aujourd'hui (du temps d'Ibn Hichâm), et y fit creuser des fossés. Puis il fit venir les Banû Quraydha par petits groupes et leur coupa la gorge sur le bord des fossés. Parmi eux, il y avait Huyayy ibn Akhtab, l'ennemi de Dieu, et Ka'b ibn Asad, le chef des Quraydha. Ils étaient six cents à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. Pendant qu'ils étaient amenés sur la place par petits groupes, certains juifs demandèrent à Ka'b, le chef de leur clan : - Que va-t-on donc faire de nous ?
- Est-ce-que cette fois vous n'allez pas finir par comprendre ? Ne voyez-vous pas que le crieur qui fait l'appel ne bronche pas et que ceux qui sont partis ne reviennent pas ? C'est évidemment la tête tranchée ! Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu'à leur extermination totale. » (Ibn Hichâm, Sira, trad. Wahib Atallah, La biographie du Prophète Mahomet, éd. Fayard p. 277, chapitre « Le “jihad” contre les juifs… » — Sira, II, 240-241.)

(Voir aussi, toujours selon Ibn Hichâm, le sort des Banu Nadir (autre tribu juive) et de ses femmes…)

Sourate 9, At-Tawba (trad. Blachère) : Quand les mois sacrés seront expirés, tuez les Infidèles quelque part que vous les trouviez ! Prenez-les ! Assiégez-les ! Dressez pour eux des embuscades ! […] (Cela sur le modèle de la razzia antéislamique. NB : les infidèles ici désignent probablement les “idolâtres” — cf., dans le discours islamiste, par ex. les Yézidis ; mais l’idée peut s’entendre aussi des juifs, chrétiens ou musulmans non islamistes, donc “apostats”.)

Proposition sans théologie de la substitution : les textes difficiles du Coran, comme cette Sourate 9, ne sont pas à lire en regard de la Sira, écrite au 8e ou 9e s., ou des hadiths qui l’inspirent — qui font du prophète de l’islam un massacreur, mais à lire en regard, par ex. d’un texte comme Matthieu 13, 24-43, la parabole de l’ivraie et son explication, où la séparation du bon grain et du mauvais est renvoyée au jugement final. De même, les “mois sacrés” de la Sourate 9 pourraient être à percevoir comme symbole eschatologique (en effet quand les “mois sacrés” expirent-ils puisque leur rythme est cyclique ?). Proposition en regard de Matthieu : et si leur “expiration” était la fin du temps de grâce, du temps de la patience en quelque sorte — symbolisé par les “mois sacrés” ? Si c’était alors seulement après le temps de ce monde qu’intervient le jugement, effectué par les anges ? — auxquels s’adresserait cette parole coranique, selon une clef donnée par ce grand connaisseur de l’islam qu’était Henry Corbin. Je le cite :

« […] il n'y a pas des Anges séparés de la matière et des âmes destinées par nature à animer un corps matériel organique. Les uns et les autres sont des substantiae separatae : il y a des Anges demeurés dans le plérôme, et il y a des Anges déchus sur la Terre, des Anges en acte et des Anges en puissance. Ou bien encore cette scission peut s'entendre d'un même être, un unus ambo : le pneuma, l'Esprit ou l'Angelos […] est la personne ou l'Ange demeuré dans le Ciel, le “jumeau céleste”, tandis que l'âme désigne son compagnon déchu sur Terre, auquel il vient en aide et qui lui sera réuni, s'il sort finalement triomphant de l'épreuve. […] Si l'âme a pour fonction étymologiquement d'animer, si elle est substance complète indépendamment du corps matériel organique qui la fixe provisoirement, c'est qu'elle a laissé dans le monde de lumière son “vrai corps”, le corps céleste d'une pure matière encore “immatérielle”, ou le vêtement de lumière qu'elle doit revêtir. » (Henry Corbin, Temps cyclique et gnose ismaélienne, éd. Berg, p. 116-117)

Cf. Matthieu 18,10 : “leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux”.

La parabole — Matthieu 13, 24-30 — et son explication — Mt 13, 36-40 :
24 Jésus leur proposa une autre parabole : “Il en va du Royaume des cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
25 Pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu ; par-dessus, il a semé de la mauvaise herbe en plein milieu du blé et il s’en est allé.
26 Quand l’herbe eut poussé et produit l’épi, alors apparut aussi la mauvaise herbe.
27 Les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de la mauvaise herbe ?
28 Il leur dit : C’est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui disent : Alors, veux-tu que nous allions la ramasser ? —
29 Non, dit-il, de peur qu’en ramassant la mauvaise herbe vous ne déraciniez le blé avec elle.
30 Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Ramassez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier. […]
36 Laissant les foules, il vint à la maison, et ses disciples s’approchèrent de lui et lui dirent : “Explique-nous la parabole de la mauvaise herbe dans le champ.”
37 Il leur répondit : “Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ;
38 le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume ; la mauvaise herbe, ce sont les sujets du Malin ;
39 l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.
40 De même que l’on ramasse la mauvaise herbe pour la brûler au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde […].


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Aune du jugement, la fidélité de Dieu à sa miséricorde — 2 Ti 2, 13 : « si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même ».

RP

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