mercredi 4 juin 2014

Démythologiser ?


C.-G. Jung, Les racines de la conscience, in La réalité de l'âme I, La Pochothèque, 1998, p, 732-733 :

« J'extrais d'un article théologique (protestant) la phrase suivante : "Nous nous comprenons — que ce soit d'une façon naturaliste ou idéaliste — comme des êtres unitaires et non si singulièrement partagés que des puissances étrangères puissent intervenir dans notre vie intérieure, comme le suppose le Nouveau Testament. [Theologische Zeitschrift, 8e année, 1952, n° 2, p. 117. C'est moi qui souligne, précise Jung.]" L'auteur ignore manifestement que, depuis plus d'un demi-siècle déjà, la science a constaté et démontré expérimentalement le caractère labile et dissociable de la conscience. Nos intentions conscientes sont pour ainsi dire sans arrêt troublées et traversées, dans une mesure plus ou moins grande, par des intrusions inconscientes dont les causes profondes nous demeurent d'abord incompréhensibles. La psyché est loin de constituer une unité ; elle est au contraire un mélange bouillonnant d'impulsions contradictoires, d'obstructions et d'affects, et son état de conflit est pour beaucoup d'hommes si insupportable qu'ils vont jusqu'à souhaiter pour eux-mêmes la rédemption célébrée par la théologie. Rédemption de quoi ? Naturellement, d'un état psychique extrêmement précaire. L'unité de la conscience, de la prétendue personnalité, n'est pas une réalité mais un desideratum. [...]
Je ne fais pas de différence entre cet état et celui des possédés de l'Évangile. Que je croie à un démon du royaume des airs ou à un facteur situé dans l'inconscient et qui me joue un tour diabolique, cela n'a aucune importance. Le fait que l'homme est menacé par des forces étrangères dans son unité imaginaire demeure le même, avant comme après. La théologie ferait sans doute mieux de prendre finalement une bonne fois en considération ces faits psychologiques plutôt que de continuer, avec des siècles de retard, à "démythologiser" comme à l'époque des lumières. »

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